Moïse sauvé
(Extraits)
Sur le luth éclatant de la noble Uranie,
Que me vient d’apporter mon fidèle génie,
Et joignant aux accords qui naissent de mes doigts
Les saints et graves tons de ma nombreuse voix,
Je chante hautement la première aventure
D’un héros dont la gloire étonna la nature ;
Je décris les hasards qu’il courut au berceau ;
Je dis comment Moïse, en un frêle vaisseau
Exposé sur le Nil, et sans voile, et sans rame,
Au lieu de voir couper sa jeune et chère trame,
Fut selon le décret de l’arbitre éternel,
Rendu par une nymphe au doux sein maternel.… O douleur ! ô remède ! ô lit ! ô sépulture !
Fut-il jamais au monde une telle aventure ?
J’égare exprès un bien afin de le trouver ;
je l’expose aux hasards afin de l’en sauver,
Et par une pitié sinistre et dangereuse,
Même avant le malheur me rendant malheureuse,
Je cherche ma ruine, y cours aveuglément,
Et du sort que je crains hâte l’événement.
Amram, qui la regarde et qui voit en sa peine
Le sensible pouvoir de la faiblesse humaine,
D’une âme plus constante, et plus roide au souci,
Tout d’un temps la rassure et la reprend ainsi :
Qu’est-ce là, Jocabel ? Quelle crainte frivole
Se glisse en ton esprit d’où la raison s’envole ?
Qu’as-tu fait de ton coeur ? Qu’as-tu fait de ta foi ?
Ou plutôt de toi-même, au trouble où je te voi ?
Sont-ce là les trésors, les fruits de la sagesse
Dont le ciel t’a douée avec tant de largesse ?Faut-il que ton ennui trahisse ta vertu ?
Parle, chère moitié, pourquoi t’affliges-tu ?
Ah ! je vois ce que c’est : tu te fais trop entendre ;
Aux promesses d’en-haut on ne doit point s’attendre ;
Je t’ai dit une fable, et l’incrédulité
Te fait croire menteur le dieu de vérité.
Si jadis hardiment le saint reste du monde
Entra sur sa parole en l’arche vagabonde,
Quand la terre insolente osa heurter les cieux,
Quand l’oeuvre de ses mains déplut même à ses yeux,
Quand il se repentit d’avoir fait son image,
Quand son vassal ingrat lui refusa l’hommage,
Quand, dis-je, son courroux, aussi juste qu’amer,
De tout cet univers ne fit rien qu’une mer ;
Craindras-tu de commettre à sa puissante garde
Cet enfant que sur l’onde il faut que l’on hasarde ?
Et pourras-tu douter, après le signe vu,
Qu’à ses tendres besoins sa grâce n’ait pourvu ?
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Marc-Antoine Girard, sieur de Saint-Amant, né à Grand-Quevilly le 30 septembre 1594 et mort à Paris le 29 décembre 1661, est un poète libertin français. Fils d’un officier de marine, issu d’une famille de marchands protestants, Saint Amant, qui commanda pendant vingt-deux ans une escadre anglaise, n’apprit pas les langues... [Lire la suite]
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