Mille baisers perdus, mille et mille faveurs…
Mille baisers perdus, mille et mille faveurs,
Sont autant de bourreaux de ma triste pensée,
Rien ne la rend malade et ne l’a offensée
Que le sucre, le ris, le miel et les douceurs.Mon coeur est donc contraire à tous les autres coeurs,
Mon penser est bizarre et mon âme insensée
Qui fait présente encor’ une chose passée,
Crevant de désespoir le fiel de mes douleurs.Rien n’est le destructeur de ma pauvre espérance
Que le passé présent, ô dure souvenance
Qui me fait de moi même ennemi devenir !Vivez, amants heureux, d’une douce mémoire,
Faites ma douce mort, que tôt je puisse boire
En l’oubli dont j’ai soif, et non du souvenir.
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Théodore Agrippa d'AUBIGNÉ
Théodore Agrippa d’Aubigné, né le 8 février 1552 au château de Saint-Maury près de Pons, en Saintonge, et mort le 9 mai 1630 à Genève, est un écrivain et poète baroque français protestant. Il fut aussi l’un des favoris d’Henri IV, du moins jusqu’à la conversion de celui-ci. Théodore décide alors de rédiger la plus grande... [Lire la suite]
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Le reptile et l’oiseau
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Crocodile ou pluvian, lequel a nos faveurs ?
Lequel est plus souvent présent dans nos pensées ?
Moi, j’aime de l’oiseau la tournure élancée,
L’esprit plein de finesse, et le regard rêveur.
Du reptile, on a dit le rôle protecteur.
Attaquer le pluvian serait chose insensée ;
Le croco n’use point d’approches nuancées
Pour montrer sa colère à des perturbateurs.
Ces deux amis, pourquoi les mettre en concurrence ?
Leur inégalité, ce n’est qu’une apparence,
Chaque matin les voit plus proches devenir.
Crocodile et pluvian, c’est à votre mémoire
Et à votre santé qu’ici nous allons boire,
Vrais complices que rien ne saurait désunir.
Amphore légère
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J’offre une plaisante saveur,
C’est de la douceur condensée ;
C’est du baume pour ta pensée,
C’est le don de notre sauveur.
Dionysos est mon protecteur,
Lui dont la parole est sensée ;
Nulle âme n’en soit offensée,
Car c’est notre libérateur.
Bois donc, et garde le silence,
Ou bien, bavarde, on s’en balance ;
J’effacerai tes souvenirs.
Je soulagerai ta mémoire,
N’y laissant que fort peu d’histoires ;
Moins qu’elle n’en peut contenir.
Roi bizarre
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Je suis le Maître et le Sauveur,
Ma bonté n’est jamais lassée ;
J’ai des richesses amassées
Que je dispense avec ferveur.
Du droit je suis le protecteur,
Ma justice est la plus sensée ;
Nulle âme n’en est offensée,
Je suis votre libérateur.
Le peuple m’écoute en silence,
De ma sagesse, il s’en balance ;
Et cela pourrait mal finir.
Que serai-je dans les mémoires
Ou bien dans les livres d’Histoire ?
C’est difficile à définir.