Mars
En mars, quand s’achève l’hiver,
Que la campagne renaissante
Ressemble à la convalescente
Dont le premier sourire est cher ;Quand l’azur, tout frileux encore,
Est de neige éparse mêlé,
Et que midi, frais et voilé,
Revêt une blancheur d’aurore ;Quand l’air doux dissout la torpeur
Des eaux qui se changeaient en marbres ;
Quand la feuille aux pointes des arbres
Suspend une verte vapeur ;Et quand la femme est deux fois belle,
Belle de la candeur du jour,
Et du réveil de notre amour
Où sa pudeur se renouvelle,Oh ! Ne devrais-je pas saisir
Dans leur vol ces rares journées
Qui sont les matins des années
Et la jeunesse du désir ?Mais je les goûte avec tristesse ;
Tel un hibou, quand l’aube luit,
Roulant ses grands yeux pleins de nuit,
Craint la lumière qui les blesse,Tel, sortant du deuil hivernal,
J’ouvre de grands yeux encore ivres
Du songe obscur et vain des livres,
Et la nature me fait mal.
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René-François SULLY PRUDHOMME
René Armand François Prudhomme, dit Sully Prudhomme, né à Paris le 16 mars 1839 et mort à Châtenay-Malabry le 6 septembre 1907, est un poète français, premier lauréat du Prix Nobel de littérature en 1901. Fils d’un commerçant, René Armand Prudhomme, qui souhaite devenir ingénieur, fait ses études au lycée Bonaparte,... [Lire la suite]
Druillesque
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Sur ta planète aux longs hivers,
Bercé de nostalgies naissantes,
Robot à l’âme évanescente,
S’engourdit ton cerveau de fer.
Pourras-tu naviguer encore ?
Tous tes câbles sont emmêlés,
Ton regard est un peu voilé ;
Adieu, vaisseaux couleur d’aurore.
Or, pour abriter ta torpeur,
Nous t’offrons une nef de marbre ;
Notre nécropole et ses arbres
Te nomment invité d’honneur.