Marchand d’habit
I. MARCHAND D’HABIT !
Ce petit homme grisonnant
S’en venait encore à l’automne,
Le regard vif, l’air avenant,
En poussant son cri monotone.Mais qu’il est changé maintenant !
Le regard est noir, l’air atone ;
Et, sur les syllabes traînant,
Sa voix chevrotante détonne.A peine un hiver passé
Et le revoilà si cassé,
Qu’à l’entendre mon cœur se serre…Poursuivant un maigre débit,
Oh ! quel poëme de misère
Dans ce seul cri : Marchand d’habit !II. PETITE SŒUR.
Près de la ronde inattentive
Qui poussait d’éclatants hourras,
Je la voyais passer, furtive,
Ayant son petit frère aux bras.Elle avait huit ans, et, chétive,
Elle pliait à chaque pas ;
Sa démarche était si craintive
Qu’on eût dit qu’elle n’osait pas.Aux cris de bande mutine
Elle serrait sur sa poitrine
Son pauvre cher petit bébé,Et déjà son grand œil plombé
Avait, sous les larmes amères,
Le long regard des pauvres mères.III. PETIT ENFANT.
Dans les beaux rayons de soleil
L’enfant joyeux se roule et joue.
De sa pauvre petite joue,
Le teint pâle devient vermeil.Il court, saute, donne l’éveil
Aux pigeons blancs qui font la roue.
Il chante tant, qu’il s’en enroue,
Le chant qui berça son sommeil.Autour de lui tout est splendide :
En vain le dénûment sordide
L’étreint, morne et silencieux ;Il est naïf ; il est candide ;
Et lorsqu’il regarde les cieux,
Il rit en ouvrant de grands yeux.Avril 18…
Poème préféré des membres
Aucun membre n'a ajouté ce poème parmi ses favoris.
Commentaires
Rédiger un commentaire
Louisa SIEFERT
Louisa Siefert, née à Lyon le 1er avril 1845 et morte à Pau le 21 octobre 1877, est une poétesse française. Issue d’une famille protestante établie à Lyon, elle reçoit une éducation religieuse. Son père était originaire de Prusse et sa mère du canton de Thurgovie en Suisse. Son premier recueil de poèmes,... [Lire la suite]
III bis Photosynthèse
--------------------------
La plante absorbe le soleil
Tout en gardant les pieds sur terre ;
Son voisin, l’arbre solitaire,
A déjà quelques fruits vermeils.
La plante est souvent en éveil,
Captant les rythmes planétaires ;
Des chercheurs universitaires
Mesurent son temps de sommeil.
Autour d’elle, tout est splendide,
Le jardin n’a rien de sordide,
C’est un inimitable lieu.
La plante est naïve et candide,
Sa feuille regarde les cieux ;
Car elle a d’invisibles yeux.
I bis La Reine Avette
------------------
Une ruche va bourdonnant
Sans craindre le froid de l’automne,
Le miel du trèfle provenant
Nourrira quelques faims gloutonnes.
La reine songe maintenant,
Parmi ses filles qui chantonnent,
Aux jours sans rien de surprenant
Que suivent des nuits monotones.
Car son envol, c’est du passé
Dont fut son amant fracassé ;
En l’évoquant, son coeur se serre.
Plus question d’aller dans le ciel,
Car nous sommes, sur cette terre,
Le troupeau d’un marchand de miel.
I ter Quartefeuille de janvier
------------------------
Nous la découvrons maintenant,
Elle était là depuis l’automne ;
Épargnée par les ruminants,
Elle me sourit, ça m’étonne.
Dans l’univers impermanent
Où, craintif, je me pelotonne,
Ce bon sourire est surprenant ;
Je ne trouve pas qu’il détonne.
Par quel poète du passé
Son portrait fut-il donc tracé ?
Disons, peut-être, Apollinaire.
Les quatre feuilles sous le ciel,
Mille racines sous la terre ;
La fleur, la promesse du miel.