Poème 'Lupercus' de José-Maria de HEREDIA dans 'Les Trophées'

Lupercus

José-Maria de HEREDIA
Recueil : "Les Trophées"

Lupercus, du plus loin qu’il me voit : – Cher poète,
Ta nouvelle épigramme est du meilleur latin ;
Dis, veux-tu, j’enverrai chez toi demain matin,
Me prêter les rouleaux de ton oeuvre complète ?

- Non. Ton esclave boite, il est vieux, il halète,
Mes escaliers sont durs et mon logis lointain ;
Ne demeures-tu pas auprès du Palatin ?
Atrectus, mon libraire, habite l’Argilète.

Sa boutique est au coin du Forum. Il y vend
Les volumes des morts et celui du vivant,
Virgile et Silius, Pline, Térence ou Phèdre ;

Là, sur l’un des rayons, et non certe aux derniers,
Poncé, vêtu de pourpre et dans un nid de cèdre,
Martial est en vente au prix de cinq deniers.

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Commentaires

  1. Jardin discret
    ---------------

    Un carré de sinople, un jardin de poète,
    On peut y consulter de vieux textes latins ;
    L’ermite à barbe blanche y vient, chaque matin,
    Pour retrouver Martial en ses oeuvres complètes.

    L’ermite ne croit pas ces pages obsolètes ;
    Il voit du charme aux mots venant d’un temps lointain,
    De la beauté au sens qui devient incertain,
    Où parfois, une image étrange se reflète.

    Les livres qu’aujourd’hui chaque libraire vend
    Sont, il est vrai, produits par des auteurs vivants,
    Mais ont-ils les vertus de ce vieux satiriste ?

    Martial en son jardin, comme dans un grenier,
    Nous offre pour toujours son livre à cinq deniers ;
    Tout un jour avec lui, pour moi, ce n’est pas triste !

  2. Citation de Martial :

    ----------------------

    « Ōccūrrīs quŏtĭēns, Lŭpērcĕ, nōbīs,
    "Vīs mīttām pŭĕrūm" sŭbīndĕ dīcīs,
    "cuī trādās ĕpĭgrāmmătōn lĭbēllūm,
    lēctūm quēm tĭbĭ prōtĭnūs rĕmīttām".
    Nōn ēst quōd pŭĕrūm, Lŭpērcĕ, vēxēs.

    Lōngum ēst, sī vĕlĭt ād Pĭrūm vĕnīrĕ,
    ēt scālīs hăbĭtō trĭbūs sĕd āltīs.
    Quōd quaērīs prŏpĭūs pĕtās lĭcēbīt.
    Ārgī nēmpĕ sŏlēs sŭbīrĕ Lētūm:
    cōntrā Caēsărĭs ēst fŏrūm tăbērnă

    scrīptīs pōstĭbŭs hīnc ĕt īndĕ tōtīs,
    ōmnīs ūt cĭtŏ pērlĕgās pŏētās.
    Īllīnc mē pĕtĕ. Nēc rŏgēs Ătrēctūm -
    hōc nōmēn dŏmĭnūs gĕrīt tăbērnaē: -
    dē prĭmō dăbĭt āltĕrōvĕ nīdō

    rāsūm pūmĭcĕ pūrpŭrāquĕ cūltūm
    dēnārīs tĭbĭ quīnquĕ Mārtĭālēm.
    "Tāntī nōn ĕs" ăīs? Săpīs, Lŭpērcĕ. »

  3. Le reflet d’un reflet
    -----------------------

    -- Comte rhinocéros, seriez-vous un poète ?
    Je vous ai vu chez vous, déchiffrant du latin,
    Debout sur un miroir, dans le petit matin,
    Où très distinctement votre corps se reflète.

    -- Je ne cultive pas cette langue obsolète ;
    Moi-même, je ne suis qu’un mirage lointain
    Dont tu vois seulement deux reflets incertains,
    Et ta vision, d’ailleurs, n’en est jamais complète.

    -- Comte rhinocéros, seriez-vous fait de vent ?
    Vous m’apparaissez bien comme un être vivant,
    Et non comme l’éclat qui charme un coloriste.

    -- C’est ce miroir que j’ai trouvé dans mon grenier :
    Mon ancêtre romain dit-on, pour cinq deniers,
    L’a fait ensorceler par le druide Évariste.

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José-Maria de HEREDIA

Portait de José-Maria de HEREDIA

José-Maria de Heredia (né José María de Heredia Girard 1842-1905) est un homme de lettres d’origine cubaine, naturalisé français en 1893. En tant que poète, c’est un des maîtres du mouvement parnassien, véritable joaillier du vers. Son œuvre poétique est constituée d’un unique recueil, « Les... [Lire la suite]

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