L’Oreille du taureau
L’oreille du taureau à la fenêtre
Et la lumière d’aujourd’hui le prisme de la force
Sur la paille du vaincu sur l’or du pauvreSur la table au niveau du vin dans la bouteille
L’œil qui saisit la bouche et l’embrasse
Et regarde il fait beauEt regarde au sillon du laboureur sanglant
Le taureau le beau taureau lourd de désastreEt regarde il fait beau
Sous le ciel de la bouche ouverte à l’amour
Un nuage lourd qui soutient le soleil
Le sang du laboureur le pain des nocesLe drapeau du taureau
Que le vent tend comme une épée.
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Paul ÉLUARD
Paul Éluard, de son vrai nom Eugène Émile Paul Grindel (14 décembre 1895 à Saint-Denis – 18 novembre 1952 à Charenton-le-Pont ), est un poète français. C’est à l’âge de vingt et un ans qu’il choisit le nom de Paul Éluard, hérité de sa grand-mère, Félicie. Il adhère au dadaïsme et est l’un des... [Lire la suite]
Quelques taureaux
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Le taureau blanc disait en ouvrant la fenêtre :
-- Pas besoin d'anorak, puisquil va faire beau.
Son frère ne dit rien, lui, plus noir qu'un corbeau.
Le taureau vert disait : -- La pluie viendra, peut-être,
Car on entend frémir le feuillage du hêtre.
Le taureau rouge a dit : Buvons un verre d'eau,
Que la chaleur du jour ne nous soit un fardeau.
Le taureau bleu disait : --Quand revient notre Maître ?
C'est le jaune taureau qui lui a répondu :
-- Pendant de nombreux jours, nous l'avons attendu ;
Vainement, selon moi, nous l'attendons encore.
Le taureau mauve a dit : -- Mince, un bestiau qui parle !
Les autres l'ont repris : -- Calme-toi, mon vieux Charles !
On n'est pas des taureaux, on est des minotaures.
Dieu-Taureau
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J’aime le dieu-taureau, c’est le dieu de l’espoir ;
Les bons, les mauvais jours, son sourire est le même,
Il n’est jamais vaincu par la douleur extrême,
Et n’écrase jamais les gens de son pouvoir.
Il est doux à entendre, il est plaisant à voir,
Il sait rester serein dans l’inframonde blême
Ou parmi les tombeaux. Envers tous ceux qu’il aime,
Il s’investit beaucoup, sans jamais décevoir.
Il oublie volontiers les oeuvres qu’il a faites,
Mais nous les conservons, sans les laisser périr,
Nous sommes enchantés de leur forme parfaite.
Dans les temps de malheur, il peut nous secourir,
Inspirer des auteurs, éveiller des prophètes,
Or, comme tous les dieux, il sait qu’il doit mourir.
Senryû du minosaure de gueules
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Est-il invisible,
Le minosaure de gueules
Qu’on ne voit jamais ?
Oreilles de Lapinot
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Dieu m’a pourvu, comme il le faut,
(Et c’est par sagesse profonde)
De deux oreilles sans défauts ;
Je capte tous les sons du monde.
De mon berceau jusqu’au tombeau
L’espace acoustique je sonde ;
Aussi, j’ai transmis ce flambeau
À mes enfants aux têtes rondes.
D’autres lapins, sous d’autres cieux
Te diront qu’ils entendent mieux ;
Ce sont trompeuses créatures.
Serai-je sourd après ma mort ?
C’est de tout un chacun le sort,
Disent nos Saintes Écritures.