Locusta
Nul n’a mêlé ses pleurs au souffle de ma bouche,
Nul sanglot n’a troublé l’ivresse de ma couche,
J’épargne à mes amants les rancœurs de l’amour.J’écarte de leur front la brûlure du jour,
J’éloigne le matin de leurs paupières closes,
Ils ne contemplent pas l’accablement des roses.Seule je sais donner des nuits sans lendemains.
Je sais les strophes d’or sur le mode saphique,
J’enivre de regards pervers et de musique
La langueur qui sommeille à l’ombre de mes mains.Je distille les chants, l’énervante caresse
Et les mots d’impudeur murmurés dans la nuit.
J’estompe les rayons, les senteurs et le bruit.Je suis la tendre et la pitoyable Maîtresse.
Car je possède l’art des merveilleux poisons,
Insinuants et doux comme les trahisons
Et plus voluptueux que l’éloquent mensonge.Lorsque, au fond de la nuit, un râle se prolonge
Et se mêle à la fuite heureuse d’un accord,
J’effeuille une couronne et souris à la Mort.Je l’ai domptée ainsi qu’une amoureuse esclave.
Elle me suit, passive, impénétrable et grave,
Et je sais la mêler aux effluves des fleursEt la verser dans l’or des coupes des Bacchantes.
J’éteins le souvenir importun du soleil
Dans les yeux alourdis qui craignent le réveil
Sous le regard perfide et cruel des amantes.J’apporte le sommeil dans le creux de mes mains.
Seule je sais donner des nuits sans lendemains.
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Renée VIVIEN
Renée Vivien, née Pauline Mary Tarn le 11 juin 1877 à Londres et morte le 18 novembre 1909 à Paris, surnommée « Sapho 1900 », est une poétesse britannique de langue française du courant parnassien de la Belle Époque. Renée Vivien était la fille d’une mère américaine et d’un père britannique fortuné qui mourut en 1886,... [Lire la suite]
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