Poème 'L’Impassible' de Théophile GAUTIER dans 'Poésies nouvelles et inédites'

L’Impassible

Théophile GAUTIER
Recueil : "Poésies nouvelles et inédites"

La Satiété dort au fond de vos grands yeux ;
En eux, plus de désirs, plus d’amour, plus d’envie ;
Ils ont bu la lumière, ils ont tari la vie,
Comme une mer profonde où s’absorbent les cieux.

Sous leur bleu sombre on lit le vaste ennui des Dieux,
Pour qui toute chimère est d’avance assouvie,
Et qui, sachant l’effet dont la cause est suivie,
Mélangent au présent l’avenir déjà vieux.

L’infini s’est fondu dans vos larges prunelles,
Et devant ce miroir qui ne réfléchit rien
L’Amour découragé s’assoit, fermant ses ailes.

Vous, cependant, avec un calme olympien,
Comme la Mnémosyne à son socle accoudée,
Vous poursuivez, rêveuse, une impossible idée.

1866

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Commentaires

  1. Miroir obscur
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    Le poète, attiré par un regard charmant,
    S'effraie de ne point voir, pourtant, ce qu'il reflète.
    Nul éclat, nul désir, nul feu, nulle paillette...
    La princesse au boudoir traîne languissamment.

    Nul songe ne palpite en ces deux diamants,
    Nulle onde ne parcourt leur surface parfaite ;
    La belle n'est pas triste, et n'est pas inquiète,
    Combien froid, cependant, est son rayonnement !

    L'infini n'atteint pas ce beau foyer sans flamme,
    Nul reflet ne surgit, dans ce miroir si beau
    Qu'on voudrait y sentir la chaleur d'un flambeau.

    La belle n'entretient aucun feu dans son âme,
    Sibylle savourant un calice idéal
    Dont rien ne vient troubler le transparent cristal.

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