Poème 'L’esprit des tempêtes – I' de ATOS

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L’esprit des tempêtes – I

ATOS

Personne ne connaît l’heure des tempêtes. Je ne connaissais pas de rêves lorsque j’étais enfant. Je ne rêvais pas. Je m’ennuyais. C’est de là peut être que m’est venu le goût de les entendre et de les savoir. C’est un événement une tempête, en soi c’est un événement.
J’ai toujours eu la conscience de mon absence. Et c’est seulement maintenant que je réalise que le manque que je ressens en moi n’est que le signe de ma propre absence. Absence aux autres très certainement. Un décalage entre ce que l’on me montrait et ce que je voyais.
Personne ne connaît vraiment non plus les tempêtes. La tempête en elle même. On les redoute, on les attend, on imagine les tempêtes.
Mais qui sait la nature exacte des tempêtes? Personne je crois. C’est peut être là leur force, peut être aussi leur beauté. De là que vient notre fascination pour elles.
Cela m’effraie de dire que je ne rêvais pas. Un enfant ça rêve je crois. Ça rêve tout le temps. Moi je ne rêvais pas.
Personne ne sais pourquoi on rêve.
Pour oublier ? Pour espérer ? Qui ne rêve pas n’est plus dans l’attente. Il est déjà dans sa confirmation. Déjà dans son affirmation. Le rêve c’est le déni de ce qui existe autour de soi. Moi je ne rêvais pas. Je vivais des tempêtes. Sans repos.
Je suis fatiguée de mon enfance. Depuis que je suis en âge de pouvoir me le permettre, je me repose de mon enfance. Je suis sur la plage. Celle qui borde mon enfance. C’est terrible d’avoir vécu ça. J’en ai réchappé comme on dit.
C’était étroit. C’était juste ça. Ce qui me gênait c’était étroitesse de l’enfance. Est ce qu’on est vraiment heureux quand on est enfant ? Est ce que c’est une obligation, de rêver et d’être heureux quand on est enfant ?
Inconscience de l’enfance… qu’est ce que ça peut être quand on a que sa conscience ?
C’est banal je crois de dire ça. De le penser. Du moins. Mais pour l’écrire il m’a fallu du temps. Le temps que je reprenne mon souffle.
Les adultes ne me concernaient pas, les enfants non plus je crois. Mais qu’est ce qui m’intéressait exactement ? Moi je crois. L’autre. C’est terrible ça. De réaliser ça. En fait la seule motivation ma seule idée c’était de faire face à tout ça. A ce qui m’entourait et que je comprenais parce que j’avais leur langage mais que je n’estimais pas. Ce sont les distances, la notion de distance que je ne comprenais pas. Comment par exemple un drame qui survenait n’était pas le drame de tout le monde. Comment une joie n’était pas instantanément collective. Pourquoi le groupe alors? Pourquoi le deux le quatre le mille, et pourquoi rien sur l’unité. La percussion, la répercussion du un sur le tout, du tout sur le un. C’est un dérèglement de la perception je crois.
Je ne connais toujours pas l’heure des tempêtes. Ça n’a plus d’ importance. Je vis comme ça. Je sais quand elle vient. La tempête c’est un basculement vers soi. C’est le passage qui s’ouvre en soi. On sait que c’est trop tard pour arrêter ça. Que rien ne pourra endiguer ça. Ça va vous traverser. Emporter- apporter.
Détruire, arracher, torturer, transformer. Il faut s’armer pour ça. Ne rien lâcher. Tenir. C’est ça la tempête. Elle obscurcit tout. Elle transforme, de toute sa force. Même ce que vous ne voyez pas. C’est de la matière la tempête. Sa propre matière. Un jour une tempête trop forte m’emportera, je le sais. Un jour où je n’aurai pas assez de force, un jour où je n’aurai pas eu le temps de me remettre debout. Une deuxième vague. J’ai cru vivre ça. Une fois. La deuxième vague.Terrible. J’ai passé ça. Et encore aujourd’hui je n’en reviens pas. De mettre sortie de là.
On appelle ses tempêtes. C’est pourquoi elles viennent. Ou alors c’est parce qu’une tempête c’est la foudre. Ça tombe là où ça devait tomber. Peut être que les arbres savent ça eux. Ils ont cet instinct là. De comprendre ça. C’est pour cela, la solitude. C’est fait pour ça. Pour recevoir la foudre. Sinon on y arriverait pas. Planté au milieu de soi même, comme un hêtre au milieu d’un champ.
Destin de l’ hêtre, peut être. Il n’y a pas de hasard à la foudre, ni aux tempêtes.
Personne ne connaît l’heure des tempêtes.
Je ne connaissais pas de rêves lorsque j’étais enfant. Ces refuges. Inconnus.
Écrire ça doit être ça, une traversée solitaire pour rejoindre le rêve. Une terre inconnue.
C’est pour ça, cet appel aux tempêtes. Qui ne veut pas savoir l’heure de ses tempêtes, ni même la nature de ses tempêtes, écrira. Il faut accepter ça. Ne pas avoir de liens à soi.
Ne pas se rassurer de soi. S’en des-assurer.
Celui qui sait ça, écrira.

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