Les Trains
Sur un chemin compact, de pierraille et de cendre,
A travers bois, taillis, fleuves, moissons et prés,
Sous les pâles matins ou les couchants pourprés,
Les trains quotidiens font le tour de la Flandre.Jadis, on les voyait rouler presque avec crainte :
Les bœufs fuyaient là-bas ; les pigeons familiers
Désertaient les recoins de leurs blancs colombiers.
La mort semblait peser où pesait leur empreinte.Mais, aujourd’hui, leur va-et-vient au long des champs
Fait à peine trembler le seuil d’une demeure,
Et leur passage annonce aux travailleurs quelle heure
Le jour qui marche et fuit jette au soir approchant.Les rails d’acier luisant sont encadrés de haies ;
Les chiens et les troupeaux ne les redoutent plus.
Et dans les fentes d’or des plus mornes talus,
Se pavoisent des fleurs et se bombent des baies.Marbres, grès et granits, fonte, fers et charbons ;
Tous les trésors secrets que les terres lointaines
Cachent aux flancs obscurs des monts, sous les fontaines,
Apparaissent en Flandre, au dos des lourds wagons.
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Émile VERHAEREN
Émile Adolphe Gustave Verhaeren, né à Saint-Amand dans la province d’Anvers, Belgique, le 21 mai 1855 et mort à Rouen le 27 novembre 1916, est un poète belge flamand, d’expression française. Dans ses poèmes influencés par le symbolisme, où il pratique le vers libre, sa conscience sociale lui fait évoquer les grandes villes... [Lire la suite]
- J'ai cru à tout jamais notre joie engourdie
- Les Vêpres
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Je trouve que ce poème est très touchant et bien inspiré des trains
Rêverie ferroviaire
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Au bord de l’océan plusieurs veulent se rendre,
Je les vois envahir la gare, par milliers ;
Certains vont vers des lieux qui leur sont familiers,
D’autres par l’inconnu se laisseront surprendre.
Au milieu du ballast grandit une herbe tendre,
Cet aride terrain lui semble hospitalier ;
Nous passons sous un pont aux immenses piliers,
Les urbaines rumeurs se font à peine entendre.
Le parcours nous conduit par les prés et les champs
Entre lesquels on voit des randonneurs marchant,
Eux qui furent ravis de quitter leur demeure.
Bien peu de temps dura ce trajet merveilleux,
Fort rapide en effet, sans être périlleux,
L’arrivée fut paisible et le train fut à l’heure.
Paradoxe ferroviaire
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Le train le plus lent
C'est le train d'où vont les choses
Et le plus rapide.
Songe de la balance
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La balance laissa le Sommeil la surprendre,
Rêvant qu’elle pesait des objets singuliers ;
Elle se voyait loin de ses lieux familiers,
Mais faisait son métier sans chercher à comprendre.
Elle pesa des mots,sans jamais les entendre,
Puis des trésors cachés dans un petit soulier ;
Elle crut s’éveiller au cri d’un fourmilier,
Et, dans ce monde flou, ne sut à quoi s’attendre.
L’inconscient est farceur, mais il n’est pas méchant,
Légers sont les dégâts qu’il cause en se lâchant ;
Balance, il n’y a point péril en la demeure.
Bien peu de temps dura ce songe merveilleux,
Lequel fut décousu, même un peu cafouilleux ;
Il tient en ce recueil une place mineure.