Les serres et les bois
Dans les serres silencieuses
Où l’hiver invite à s’asseoir,
Sous un jour blême comme un soir
Fument les plantes précieuses.L’une, raide, élançant tout droit
Sa tige aux longues feuilles sèches,
Darde au plafond, comme des flèches,
Les pointes d’un calice étroit.Une autre, géante à chair grasse,
Que hérissent de durs piquants,
Ne sourit que tous les cinq ans
Dans une éclosion sans grâce.Une autre, molle en ses efforts,
Grimpe au vitrail, et la captive
Regarde en pitié l’herbe active
Qui tient tête au vent du dehors.Pas un souffle ici, rien ne bouge ;
Toutes versent avec lenteur,
A flots lourds, la fade senteur
De leur floraison fixe et rouge.Celui qu’elles charment d’abord,
Dans cet air qui bientôt lui pèse,
Envahi par un grand malaise,
Descend de l’ivresse à la mort.Ah ! Que mille fois plus aimée
La violette, fleur des bois !
Et que plus saine mille fois
La chambre qu’elle a parfumée !Son baume, loin d’appesantir,
Allège et fait l’âme nouvelle ;
Mais fine, il faut s’approcher d’elle,
La baiser, pour la bien sentir.
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René-François SULLY PRUDHOMME
René Armand François Prudhomme, dit Sully Prudhomme, né à Paris le 16 mars 1839 et mort à Châtenay-Malabry le 6 septembre 1907, est un poète français, premier lauréat du Prix Nobel de littérature en 1901. Fils d’un commerçant, René Armand Prudhomme, qui souhaite devenir ingénieur, fait ses études au lycée Bonaparte,... [Lire la suite]
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