Poème 'Les sept péchés capitaux' de Claudel

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Les sept péchés capitaux

Claudel

(1)
L’AVARICE

(Forme : distique)

Dans sa bourse et son coffre, il est riche en deniers,
Mais dans sa maison vide, il est pauvre en entier ;

Il se prive de tout pour ne manquer de rien
Et dans son âme pingre, il est un vrai vaurien.

Il cumule les sous, son unique richesse
Tel un suce-la-cenne ; et ça, il le confesse.

Il grignote son pain et ramasse les miettes ;
Il ménage sa soupe et lèche les assiettes.

Soit ! il est âpre au gain, c’est sa radinerie ;
Perdre un appât du gain ; là, il gémit, il crie.

Ne faites pas comme l’avare, ce trièdre
Radin, qui perd beaucoup pour ne vouloir rien perdre.

Si vous avez eu un rapiat dans vos aïeux,
Soyez fin à ne pas trop être avaricieux.

(2)
L’ENVIE

(Forme : rondeau)

Ah, qu’elle est belle à ce qu’ils disent !
Quelle grâce à ce que l’on dit !
Voyez comme on est en maudit
Quand vos joliesses reluisent.

Ô miroitez, chère Marquise,
Dans l’opulence et le non-dit !
Ah, qu’elle est belle à ce qu’ils disent !
Quelle grâce à ce que l’on dit !

Nos désirs ne sont pas de mise
D’envier le bonheur d’autrui
Ainsi, solliciter l’envie
Nous amène la convoitise.
Ah, qu’elle est belle à ce qu’ils disent !

(3)
LA PARESSE

(Forme : haïku)

Madame Paresse
Se réjouit de sa lenteur
Et sa maladresse ;

Son charme est un leurre
Qui nous conduit à l’ivresse,
Mais son art demeure.

Cette pécheresse,
D’une musarde langueur,
Nous dit et professe…

Que tout bon flâneur
Doit reposer ses deux fesses
Pour que l’effort pleure.

Va, lourde Maîtresse,
Enseigner ton art trompeur
Si plein de mollesse.

(4)
LA GOURMANDISE

(Forme : villanelle)

Qui taquine mes papilles
Avec extase et loisir
Pour ces gâteries gentilles ?

Ma bouche en chair de myrtilles
Savoure ce doux plaisir
Qui taquine mes papilles.

Ce n’est pas quelques béquilles
Qui freineront mon désir
Pour ces gâteries gentilles.

Et quand ma faim se maquille
À feindre ce faux martyr
Qui taquine mes papilles…

Mon appétit va et pille
Sans remords et repentir
Pour ces gâteries gentilles
Qui taquinent mes papilles.

(5)
LA COLÈRE

(Forme : pantoum)

Dans mon cœur surgit la colère
Quand la haine devient sauvage ;
Hélas ! Je vis cette galère
Dans mon désarroi et ma rage.

Quand la haine devient sauvage,
Ma fureur est un talion
Dans mon désarroi et ma rage
Pour un châtiment sans pardon.

Ma fureur est un talion
Si une terreur se déchaîne
Pour un châtiment sans pardon ;
Vois ma rancune qui s’enchaîne !

Si une terreur se déchaîne,
Hélas ! Je vis une galère ;
Vois ma rancune qui s’enchaîne
Dans un cœur rempli de colère.

(6)
L’ORGUEIL

(Forme : sonnet)

Il a une couronne accrochée sur sa tête
Et ses mains sont gantées d’une blancheur glaciale ;
Son front fauve et hautain lui coûte d’être bête,
Autant son nez lui vaut une rogne faciale.

Ses opinions tranchées comme un vieux salami
Empestent les couloirs étroits de l’insolence ;
Personne ne veut d’un cabotin comme ami,
Qu’en disent ses dires qui frôlent l’arrogance.

Le sublime univers lui est indifférent ;
Seul, son amour-propre valorise son rang.
Pas courtois ni charmant dans son look et langage…

Il rêve de noblesse et se voit anobli.
Et portant, les miroirs reflètent une image
D’un être ordinaire et d’un homme qu’on oublie.

(7)
LA LUXURE

(Forme : sextine)

À vouloir aimer et se faire baiser,
Qu’a-t-elle eu de ces amours, chère Cybèle ?
Tout son corps et sa peau à se débaucher
Dans sa chambre, sur son lit à se vautrer ;
Ô, nulle affection, en son âme charnelle,
N’a pu triompher sa fougue sensuelle.

Tous les vices et les excès sensuels
Ne valaient pas la tendresse d’un baiser ;
Lascives voluptés et plaisirs charnels
L’ont rendu triste et morose ; elle ! Cybèle.
Pourquoi le don de soi doit-il se vautrer
Sur les fauteuils du sexe pour se débaucher ?

Le pervers tel un immoral débauché
Recherche par instinct la chair sensuelle.
Pour assouvir ses besoins, il l’a vautré
Sur un pouf porno et là, il l’a baisé
Sans amour et compassion ; elle ! Cybèle.
Dommage, il a gâché sa beauté charnelle.

Doit-on condamner l’érotisme charnel
Par une chaste censure et débaucher
La sensualité ; si chère à Cybèle ?
Doit-on éradiquer l’amour sensuel
Pour des plaisirs fastidieux, pour un baiser
Monotone ou endormant à se vautrer ?

Freud connaît bien l’amour complexe : vautré
Sur son divan, Œdipe à la voix charnelle
En appelle à ces mots : vous avez baisé !
Cherchez le père, vous êtes débauché !
Cherchez la mère, la femme sensuelle
Se transformant en douce et belle Cybèle.

Un jour, j’ai invité chez moi la Cybèle,
Qui s’approcha près de moi pour me vautrer
En me donnant le délice sensuel ;
Elle m’incita au bien-être charnel
En chassant ma crainte d’être débauché.
Je fus au septième ciel par son baiser.

Or, j’ai baisé avec la jolie Cybèle
Ne me sentant point débauché et vautré
Par cette femme charnelle et sensuelle.

Tous droits réservés © Claude Lachapelle / avril 2018

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Commentaires

  1. Je suis impressionnée tant par l'exercice de style que la poésie de ces péchés !
    Merci de nous partager vos poèmes
    Je vous suis
    Fabienne

  2. Waw ! C'est... sans commentaires !

  3. Si quelqu'un n'avait pas compris un de ces pêché,
    Si quelqu'un n'avait pas cerné son propre pêché,
    Mignon tout autant qu'il puisse être
    Maintenant il ne peut en échapper!

    Merci pour ces belles poésies
    Fondation de l'humanité et ... de la vie!

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