Les roses
L’air était pur, la nuit régnait sans voiles ;
Elle riait du dépit de l’amour :
Il aime l’ombre, et le feu des étoiles,
En scintillant, formait un nouveau jour.Tout s’y trompait. L’oiseau, dans le bocage,
Prenait minuit pour l’heure des concerts ;
Et les zéphyrs, surpris de ce ramage,
Plus mollement le portaient dans les airs.Tandis qu’aux champs quelques jeunes abeilles
Volaient encore en tourbillons légers,
Le printemps en silence épanchait ses corbeilles
Et de ses doux présents embaumait nos vergers.Ô ma mère ! On eût dit qu’une fête aux campagnes,
Dans cette belle nuit, se célébrait tout bas ;
On eût dit que de loin mes plus chères compagnes
Murmuraient des chansons pour attirer mes pas.J’écoutais, j’entendais couler, parmi les roses,
Le ruisseau qui, baignant leurs couronnes écloses,
Oppose un voile humide aux brûlantes chaleurs ;
Et moi, cherchant le frais sur la mousse et les fleurs,Je m’endormis. Ne grondez pas, ma mère !
Dans notre enclos qui pouvait pénétrer ?
Moutons et chiens, tout venait de rentrer.
Et j’avais vu Daphnis passer avec son père.Au bruit de l’eau, je sentis le sommeil
Envelopper mon âme et mes yeux d’un nuage,
Et lentement s’évanouir l’image
Que je tremblais de revoir au réveil :Je m’endormis. Mais l’image enhardie
Au bruit de l’eau se glissa dans mon coeur.
Le chant des bois, leur vague mélodie,
En la berçant, fait rêver la pudeur.En vain pour m’éveiller mes compagnes chéries,
En me tendant leurs bras entrelacés,
Auraient fait de mon nom retentir les prairies ;
J’aurais dit : » Non ! Je dors, je veux dormir ! Dansez ! »Calme, les yeux fermés, je me sentais sourire ;
Des songes prêts à fuir je retenais l’essor ;
Mais las de voltiger, (ma mère, j’en soupire,)
Ils disparurent tous ; un seul me trouble encor,Un seul. Je vis Daphnis franchissant la clairière ;
Son ombre s’approcha de mon sein palpitant :
C’était une ombre, et j’avais peur pourtant,
Mais le sommeil enchaînait ma paupière.Doucement, doucement, il m’appela deux fois ;
J’allais crier, j’étais tremblante ;
Je sentis sur ma bouche une rose brûlante,
Et la frayeur m’ôta la voix.Depuis ce temps, ne grondez pas, ma mère,
Daphnis, qui chaque soir passait avec son père,
Daphnis me suit partout pensif et curieux :
Ô ma mère ! Il a vu mon rêve dans mes yeux !
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Marceline DESBORDES-VALMORE
Marceline Desbordes-Valmore, née à Douai le 20 juin 1786 et morte à Paris le 23 juillet 1859, est une poétesse française. Elle est la fille d’un peintre en armoiries, devenu cabaretier à Douai après avoir été ruiné par la Révolution. À la fin de 1801, après un séjour à Rochefort et à Bordeaux, Marceline et sa mère... [Lire la suite]
Le petit prince, épris d'une rose éphémère,
En garde le portrait dans son coeur palpitant ,
Aussi léger qu'une ombre ; il en a peur, pourtant,
Et parfois n'ose plus refermer ses paupières.
Le jour de son départ, elle l'avait deux fois
Appelé faiblement, et d'une voix tremblante.
Des volcans surgissait une fumée brûlante
Et le prince n'a pas entendu cette voix.
Terre, sois à son corps douce comme une mère.
Aviateur, prends son deuil, tu lui servis de père ;
Compose le portrait de cet enfant sérieux
Qui de la rose avait le reflet dans ses yeux.
Dieu dans la verdure
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Je suis un grand oiseau, le seigneur du bocage,
De tout ce qui me plaît je prélève ma part ;
D’autres seront nourris de mes restes épars,
C’est ainsi que je vois l’équitable partage.
De tous les animaux je comprends le langage,
Mais celui des humains, je le laisse au placard ;
Sans valeur sont les mots des primates bavards,
Gens dépourvus d’instinct, bipèdes sans plumage.
Sans crainte mes sujets s’en remettent à moi,
Je sais les apaiser quand ils sont en émoi ;
Pour ministres j’ai pris de sages alouettes.
D’avoir des successeurs je n’ai pas le souci,
Nous ne manquerons point de candidats ici ;
Car j’en ai dénombré trois cents et des brouettes.