Les Princes de Chypre
Les lieux que nous avons laissés
Sont beaucoup plus heureux qu’autres lieux de la terre;
Le dégoût de la paix, ni le peur de la guerre,
Jamais ne les a menacés.Mars arrivant à la contrée,
Que notre éloignement convertit en déserts,
Hait le fer et la flamme, et veut que les baisers
Fassent l’honneur de son entrée.Chypre ne se peut estimer,
Ses rivages féconds que Neptune environne,
Sont au milieu des flots la plus belle couronne
Que porte le roi de la mer.Cupidon y est sans malice;
Les plus grandes beautés ont le plus d’amitié;
Là jamais un esprit qui manque de pitié
Ne saurait manquer de supplice.Les plaisirs y sont en vigueur;
La loi de l’hyménée aux désirs asservie
Dans les contentement de notre douce vie,
Ne mêla jamais sa rigueur.Comme les dieux en leur empire,
De tout ce qu’il nous plaît nous nous rendons épris;
Et pour une beauté qui n’a que du mépris,
Jamais notre âme ne soupire.Ce qu’Amour fait dessous les eaux
Est une loi pour nous que le Ciel même ordonne,
Accordant à nos feux la liberté qu’il donne
A l’innocence des oiseaux.Autour de nos fontaines vives,
Toutes peintes d’azur et de rayons du jour,
Les zéphyrs et les eaux parlent toujours d’amour
Aux Nymphes de ces belles rives.Notre ciel est toujours serein,
Notre joyeux destin n’est jamais en disgrâce,
Et chez nous le Soleil ne voit aucune trace
Du siècle de fer ou d’airain.Nous n’oyons point le bruit des Syrtes,
Le plus frêle vaisseau se moque des rochers,
Trouve le vent facile et conduit les nochers
Jusqu’à l’ombrage de nos myrtes.Nous ne voyons jamais pleuvoir,
Si ce n’est des rubis échappés à l’Aurore,
Que nos champs glorieux plus ennoblis encore
Daignent à peine recevoir.Notre sort, aux dieux admirable,
Lorsqu’un renom meilleur nous a parlé de vous,
A perdu son estime, et s’est rendu jaloux
Du vôtre encor plus désirable.Aux pieds de votre Majesté,
Nos Grandeurs, méprisant leur première puissance,
Mettent au seul honneur de votre obéissance,
Tout l’espoir qui leur est resté.Au nombre des sujets de France,
Aujourd’hui bien heureux nous nous venons ranger,
Et notre masque ôté de ce front étranger
Nous ôtera la différence.
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Théophile de VIAU
Théophile de Viau, né entre mars et mai 1590 à Clairac et mort le 25 septembre 1626 à Paris, est un poète et dramaturge français. Poète le plus lu au XVIIe siècle, il sera oublié suite aux critiques des Classiques, avant d’être redécouvert par Théophile Gautier. Depuis le XXe siècle, Théophile de Viau est défini... [Lire la suite]
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