Les Oiseaux
Je rêvais dans un grand cimetière désert;
De mon âme et des morts j’écoutais le concert,
Parmi les fleurs de l’herbe et les croix de la tombe.
Dieu veut que ce qui naît sorte de ce qui tombe.
Et l’ombre m’emplissait.Autour de moi, nombreux,
Gais, sans avoir souci de mon front ténébreux,
Dans ce champ, lit fatal de la sieste dernière,
Des moineaux francs faisaient l’école buissonnière.
C’était l’éternité que taquine l’instant.
Ils allaient et venaient, chantant, volant, sautant,
Égratignant la mort de leurs griffes pointues,
Lissant leur bec au nez lugubre des statues,
Becquetant les tombeaux, ces grains mystérieux.
Je pris ces tapageurs ailés au sérieux;
Je criai: — Paix aux morts! vous êtes des harpies.
— Nous sommes des moineaux, me dirent ces impies.
— Silence! allez-vous en! repris-je, peu clément.
Ils s’enfuirent; j’étais le plus fort. Seulement,
Un d’eux resta derrière, et, pour toute musique,
Dressa la queue, et dit: — Quel est ce vieux classiqueComme ils s’en allaient tous, furieux, maugréant,
Criant, et regardant de travers le géant,
Un houx noir qui songeait près d’une tombe, un sage,
M’arrêta brusquement par la manche au passage,
Et me dit: — Ces oiseaux sont dans leur fonction.
Laisse-les. Nous avons besoin de ce rayon.
Dieu les envoie. Ils font vivre le cimetière.
Homme, ils sont la gaîté de la nature entière;
Ils prennent son murmure au ruisseau, sa clarté
A l’astre, son sourire au matin enchanté;
Partout où rit un sage, ils lui prennent sa joie,
Et nous l’apportent; l’ombre en les voyant flamboie;
Ils emplissent leurs becs des cris des écoliers;
A travers l’homme et l’herbe, et l’onde, et les halliers,
Ils vont pillant la joie en l’univers immense.
Ils ont cette raison qui te semble démence.
Ils ont pitié de nous qui loin d’eux languissons;
Et, lorsqu’ils sont bien pleins de jeux et de chansons;
D’églogues, de baisers, de tous les commérages
Que les nids en avril font sous les verts ombrages,
Ils accourent, joyeux, charmants, légers, bruyants,
Nous jeter tout cela dans nos trous effrayants;
Et viennent, des palais, des bois, de la chaumière,
Vider dans notre nuit toute cette lumière!
Quand mai nous les ramène, ô songeur, nous disons:
— Les voilà!- tout s’émeut, pierres, tertres, gazons;
Le moindre arbrisseau parle, et l’herbe est en extase;
Le saule pleureur chante en achevant sa phrase;
Ils confessent les ifs, devenus babillards;
Ils jasent de la vie avec les corbillards;
Des linceuls trop pompeux ils décrochent l’agrafe;
Ils se moquent du marbre; ils savent l’orthographe;
Et, moi qui suis ici le vieux chardon boudeur,
Devant qui le mensonge étale sa laideur,
Et ne se gène pas, me traitant comme un hôte,
Je trouve juste, ami, qu’en lisant à voix haute
L’épitaphe où le mort est toujours bon et beau,
Ils fassent éclater de rire le tombeau.Paris, mai 1835.
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Victor HUGO
Victor-Marie Hugo, né le 26 février 1802 à Besançon et mort le 22 mai 1885 à Paris, est un écrivain, dramaturge, poète, homme politique, académicien et intellectuel engagé français, considéré comme l’un des plus importants écrivains romantiques de langue française. Fils d’un général d’Empire souvent... [Lire la suite]
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- A propos de la loi Faider
Grandeur de Victor et des moineaux
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Victor Hugo ressemble aux Pères du désert :
Son crâne où la pensée forme un vaste concert
Abrite aussi des mots qui de très haut lui tombent,
Ou qu'il vient d'exhumer d'une archaïque tombe.
Son trait peut aussi bien développer l'instant
Infinitésimal, ou s'en aller, sautant
De siècle en siècle, ainsi que le font les comètes
Allant, de loin en loin, prévenir les prophètes.
Grand comme il est, Hugo respecte les moineaux,
Même celui qui l'a traité de vieux fourneau :
Poètes, nous savons que nos frères à plume
Tout le jour, comme nous, ont leurs mots sur l'enclume.
Victor de son prénom était surtout verbeux
Hugo était son nom, célèbre nom de plume
Je connais un pluvian qui est certes glorieux
Ses mots restent légers sur mon désir posthume_
Moineau-girafe des Amériques
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Le grand moineau-girafe, il vit aux Amériques :
De gueules, son plumage est un fort bel habit
Car on a l’impression qu’il est fait de rubis ;
Il parcourt les forêts, disant des chants lyriques.
Il pense à son cousin, le moineau d’Armorique
Qui dans son vaste nid range tout un fourbi
(Ça peut toujours servir, tel est son alibi)
Et qui caresse aussi des projets chimériques.
Ils s’entendent fort bien, ces deux moineaux moqueurs,
Car ils ont en commun la poésie au coeur,
Ainsi que la saveur des errances lointaines.
Or, qu’est-ce que ce monde, une farce, à leurs yeux,
Ainsi méditent-ils, buvant à des fontaines
Dont le sombre bassin reflète d’autres cieux.
Rêve américain
Elle a enfin quitté sa terre d’Armorique,
Avec son peu d’argent et ses plus beaux habits,
Dont la robe de soie décorée d’un rubis,
Qu’elle porte pendant ses prestations lyriques.
Mais débute fort mal son rêve d’Amérique,
Des malfrats New-Yorkais lui volent son fourbi,
L’obligeant à dormir au fond d’un cagibi
Squatté dans les locaux d’une ancienne fabrique.
Si elle renonçait les gens seraient moqueurs
Et puis elle a toujours ce frêle espoir au coeur,
Que des États-Uniens l’acclament pas centaines.
Après qu’elle a chanté une louange à Dieu,
Pour gagner sa pitance au pied d’une fontaine,
Un producteur lui offre un contrat merveilleu