Les Néréides
J’ai dans ma chambre une aquarelle
Bizarre, et d’un peintre avec qui
Mètre et rime sont en querelle,
- Théophile Kniatowski.Sur l’écume blanche qui frange
Le manteau glauque de la mer
Se groupent en bouquet étrange
Trois nymphes, fleurs du gouffre amer.Comme des lis noyés, la houle
Fait dans sa volute d’argent
Danser leurs beaux corps qu’elle roule,
Les élevant, les submergeant.Sur leurs têtes blondes, coiffées
De pétoncles et de roseaux,
Elles mêlent, coquettes fées,
L’écrin et la flore des eaux.Vidant sa nacre, l’huître à perle
Constelle de son blanc trésor
Leur gorge, où le flot qui déferle
Suspend d’autres perles encor.Et, jusqu’aux hanches soulevées
Par le bras des Tritons nerveux,
Elles luisent, d’azur lavées,
Sous l’or vert de leurs longs cheveux.Plus bas, leur blancheur sous l’eau bleue
Se glace d’un visqueux frisson,
Et le torse finit en queue,
Moitié femme, moitié poisson.Mais qui regarde la nageoire
Et les reins aux squameux replis,
En voyant les bustes d’ivoire
Par le baiser des mers polis ?A l’horizon, – piquant mélange
De fable et de réalité, -
Paraît un vaisseau qui dérange
Le choeur marin épouvanté.Son pavillon est tricolore ;
Son tuyau vomit la vapeur ;
Ses aubes fouettent l’eau sonore,
Et les nymphes plongent de peur.Sans crainte elles suivaient par troupes
Les trirèmes de l’Archipel,
Et les dauphins, arquant leurs croupes,
D’Arion attendaient l’appel.Mais le steam-boat avec ses roues,
Comme Vulcain battant Vénus,
Souffletterait leurs belles joues
Et meurtrirait leurs membres nus.Adieu, fraîche mythologie !
Le paquebot passe et, de loin,
Croit voir sur la vague élargie
Une culbute de marsouin.
Poème préféré des membres
Aucun membre n'a ajouté ce poème parmi ses favoris.
Commentaires
Rédiger un commentaire
Théophile GAUTIER
Pierre Jules Théophile Gautier est un poète, romancier, peintre et critique d’art français, né à Tarbes le 30 août 1811 et mort à Neuilly-sur-Seine le 23 octobre 1872 à 61 ans. Né à Tarbes le 30 août 1811, le tout jeune Théophile garde longtemps « le souvenir des montagnes bleues ». Il a trois ans lorsque sa famille... [Lire la suite]
- J'ai laissé de mon sein de neige
- À Claudius Popelin (Sonnet II)
- Les Deux Âges
- Albertus, 13 - CXXI à CXXII
- Épigraphes placées en tête de "Daniel...
- Montée sur le Brocken
- La Mort dans la vie - Chapitre 5
- En allant à la Chartreuse de Miraflorès
- Vous ne connaissez pas les molles...
- Oui, Forster, j'admirais ton oreille...
Danse aquatique
-----------------------
La mer d'argent jamais ne change,
Elle abrite trois dauphins d'or ;
Ils vont, tournoyant près du bord,
C'est vraiment une danse étrange.
Le premier traverse la houle,
Il sait nager comme un poisson ;
Son corps traversé de frissons
Se retourne, et bascule, et roule.
Le second pousse un cri de guerre,
Et de sa queue, il frappe l'eau ;
Quant au troisième, débonnaire,
Il fait la sieste dans les flots.