Les mots sans qu’on les craigne ont d’effrayants pouvoirs
Les mots sans qu’on les craigne ont d’effrayants pouvoirs,
Ils sont les bâtisseurs hasardeux des pensées,
L’âme la plus puissante est parfois dépassée
Par ces rêves actifs que l’on voit se mouvoir.— Laissons se balancer dans leur ombre décente
L’excessive tristesse et l’excessif besoin!
Confions le secret ou la hâte oppressante
Au silence sacré qui ne les livre point.Un souvenir dormant cesse d’être coupable,
Tout ce qui n’est pas dit est innocent et vrai;
S’il consent à garder sa face sombre et stable
Le mensonge lui-même est un noble secret.Ô Vérité tentante et qu’il faut qu’on esquive,
Monacale pudeur, effort, renoncement,
Sainteté des torrents retenant leur eau vive,
Solitude du cœur et de la voix qui ment!Tendresse de la main qui parcourt et qui lisse
La vie atténuée et calme des cheveux,
Tandis que le désir se prive du délice
De déchaîner l’orage éloquent des aveuxRésolution pure, auguste et difficile
De n’accaparer pas l’esprit avec le corps,
De rester étrangers, pour que le plus fragile
Ne soit pas prisonnier de l’ineffable accord!Feintise d’être heureux en dehors de l’ivresse,
Accommodation aux paisibles instants:
Plus que les cris, les pleurs, les secours, les caresses,
Vous êtes le mérite insondable et constant!
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Anna de NOAILLES
La comtesse Anna-Élisabeth de Noailles, née princesse Bibesco Bassaraba de Brancovan, est une poétesse et romancière française, d’origine roumaine, née à Paris le 15 novembre 1876 et morte à Paris le 30 avril 1933. Née à Paris, descendante des familles de boyards Bibescu et Craioveşti de Roumanie, elle est la fille du... [Lire la suite]
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- La jeunesse (3)
- Tu as ta force, j'ai ma ruse (3)
- L'amour, vorace et triste, en son humble... (3)
- Le Jardin et la Maison (2)
- Le Cœur (2)
- Le Temps de vivre (2)
- J'ai travesti, pour te complaire (2)
- Que crains-tu ? L'excès ? l'abondance (2)
- Pourquoi ce besoin fort et triste (2)
- On est bon si l'on est tranquille (2)
De vair au bouddha de gueules
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-- La voie est ineffable, et tu dois le savoir.
Elle n'est pas construite au gré de la pensée
Qui par sa propre danse est souvent dépassée ;
Elle dit sans parole, et va sans se mouvoir.
-- La leçon que j'entends n'est certes pas récente.
J'avance sur la voie, non d'esprit, mais de corps ;
Mes gestes sont des traits, mes mots sont des accords,
Ainsi court un chamois sur l'invisible sente.
-- Disciple, tu tiens là le discours de l'ivresse :
Mon livre le permet, tout au moins, par instants.
Maintenant, fais ton oeuvre, et sois assez constant
Pour que ta fantaisie se transforme en sagesse.