Les Espaliers
D’énormes espaliers tendaient des rameaux longs
Où les fruits allumaient leur chair et leur pléthore,
Pareils, dans la verdure, à ces rouges ballons
Qu’on voit flamber les nuits de kermesse sonore.Pendant vingt ans, malgré l’hiver et ses grêlons,
Malgré les gels du soir, les givres de l’aurore,
Ils s’étaient accrochés aux fentes des moellons,
Pour monter jusqu’au toit, monter, monter encore.Maintenant ils couvraient de leur faste les murs
Et sur les pignons hauts et clairs, poires et pommes
Bombaient, superbement, des seins pourprés et mûrs.Les troncs géants, crevés partout, suaient des gommes ;
Les racines plongeaient jusqu’aux prochains ruisseaux,
Et les feuilles luisaient, comme des vois d’oiseaux.
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Émile VERHAEREN
Émile Adolphe Gustave Verhaeren, né à Saint-Amand dans la province d’Anvers, Belgique, le 21 mai 1855 et mort à Rouen le 27 novembre 1916, est un poète belge flamand, d’expression française. Dans ses poèmes influencés par le symbolisme, où il pratique le vers libre, sa conscience sociale lui fait évoquer les grandes villes... [Lire la suite]
- J'ai cru à tout jamais notre joie engourdie
- Les Vêpres
- Le clair jardin c'est la santé
- Sois-nous propice et consolante encor...
- Les Meules qui Brûlent
- Si d'autres fleurs décorent la maison
- S'il était vrai
- Lorsque s'épand sur notre seuil la neige...
- Que nous sommes encor heureux et fiers de...
- L'Ombre est Lustrale et l'Aurore Irisée
Un troquet parisien
*
*
Comptoir de la taverne, comptoir juste assez long
Où la bière-pression déverse sa pléthore,
Où le Côtes-du-Rhône est servi par ballons
Tandis que les buveurs ont des phrases sonores !
*
Sur un vieux tabouret j’use mon pantalon ;
Parfois la beuverie dure jusqu’à l’aurore,
Tant nous nous complaisons dans ce dernier salon
Où l’esprit parisien fleurit et rêve encore.
*
Les photos des clients se montrent sur les murs.
Chacun se reconnaît, déclarant "C’est ma pomme",
Même si le vivant est d’un âge plus mûr
*
Que, sur le vieux portrait, cet aimable jeune homme.
Puis, nous rentrons chez nous en longeant les ruisseaux,
Dans le petit matin qu’annoncent les oiseaux.
Comme quoi le bout rimé c'est inspirant à condition de savoir s'en désarrimer à temps je me comprends
La machine à voyager dans le temps
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Les siècles traversés en un temps pas très long
S’ouvrent sur un verger où les fruits sont pléthore ;
C’est plus original qu’un voyage en ballon :
La machine est, de plus, tout à fait insonore.
Notre grand inventeur use son pantalon
Sur le banc de la nef traversant les aurores,
Il reviendra parler aux gens dans son salon,
Mais dans quarante jours, il doit partir encore.
Cet univers changeant défile comme un mur,
De millions de pommiers choient des milliards de pommes,
À l’arrivée, notre homme est d’un âge plus mûr.
Or, que deviendra-t-il, cet aimable jeune homme,
Sera-t-il simplement noyé dans un ruisseau,
Ou bien reviendra-t-il, guidé par les oiseaux ?
Quelques fruits du premier jardin
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Le chemin du verger, qui peut le trouver long ?
En ce lieu, plus d’un fruit attend qu’on le dévore;
Le plus énorme est jaune et rond comme un ballon,
Un oiseau le célèbre en son jargon sonore.
Si sur le mauve fruit tu poses ton talon,
Prends bien garde à la flamme, il contient du phosphore;
Pour savourer sa chair, un peu nous la salons,
Cela vaut un gibier, et même plus encore.
Nous aimons ce jardin que n’entoure aucun mur,
Rien ne nous y oblige à manger une pomme;
Pour répondre au serpent nous sommes assez mûrs.
Tous les fruits sont présents pour le bonheur des hommes,
Mais un seul du démon provoque les assauts,
C’est un fin traquenard, ou c’est un piège à sots.