Les clairs de lune – III
La mer est grise, calme, immense,
L’oeil vainement en fait le tour.
Rien ne finit, rien ne commence
Ce n’est ni la nuit, ni le jour.Point de lame à frange d’écume,
Point d’étoiles au fond de l’air.
Rien ne s’éteint, rien ne s’allume
L’espace n’est ni noir, ni clair.Albatros, pétrels aux cris rudes,
Marsouins, souffleurs, tout a fui.
Sur les tranquilles solitudes
Plane un vague et profond ennui.Nulle rumeur, pas une haleine.
La lourde coque au lent roulis
Hors de l’eau terne montre à peine
Le cuivre de ses flancs polis ;Et, le long des cages à poules,
Les hommes de quart, sans rien voir,
Regardent, en songeant, les houles
Monter, descendre et se mouvoir.Mais, vers l’Est, une lueur blanche,
Comme une cendre au vol léger
Qui par nappes fines s’épanche,
De l’horizon semble émerger.Elle nage, pleut, se disperse,
S’épanouit de toute part,
Tourbillonne, retombe, et verse
Son diaphane et doux brouillard.Un feu pâle luit et déferle,
La mer frémit, s’ouvre un moment,
Et, dans le ciel couleur de perle,
La lune monte lentement.
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Charles-Marie LECONTE DE LISLE
Charles Marie René Leconte de Lisle, né le 22 octobre 1818 à Saint-Paul dans l’Île Bourbon et mort le 17 juillet 1894 à Voisins, était un poète français. Leconte de Lisle passa son enfance à l’île Bourbon et en Bretagne. En 1845, il se fixa à Paris. Après quelques velléités lors des événements de 1848, il renonça... [Lire la suite]
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