Les Bouquins
Tu me vois quelquefois triste, énervé, grincheux,
— Quand j’ai fumé surtout mes pipes allemandes
En travaillant longtemps — alors, tu me demandes
D’où vient l’expression si dure de mes yeux.Tu me dis que mes grands bouquins sont ennuyeux
Comme les pins et leurs petits pots dans les landes ;
C’est vrai : viens… tes baisers sont comme des amandes :
Ils ont un parfum blanc : ils sont délicieux.T’aimer bien, ça vaut mieux que de rimer des strophes
Ou que d’étudier de tristes philosophes.
Dans un livre savant, hier soir, je lisais :On y voulait prouver d’une façon notoire
Que la réalité n’est qu’ « hallucinatoire » ;
Je suis halluciné, chère, par tes baisers.
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- Et toi, qui chantes-tu ? | Pays de poésie
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Francis JAMMES
Francis Jammes (prononcer [jam] et non [djèms]), né à Tournay (Hautes-Pyrénées) le 2 décembre 1868 et mort à Hasparren (aujourd’hui Pyrénées-Atlantiques) le 1er novembre 1938, est un poète français, également romancier, dramaturge et critique. Il passa la majeure partie de son existence dans le Béarn et le Pays basque,... [Lire la suite]
Encore la faune de Norge
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-- Et toi, qui chantes-tu, animal sulfureux ?
-- J'adule un freluquet qui aime une gourmande
Qu'adore un aspirant qui drague une limande.
-- Et toi, qui chantes-tu, dinosaure scabreux ?
Je blasonne un râleur qui vante un orgueilleux
Qui louange un oisif qui flatte Mélisande.
-- Et toi, qui chantes-tu, écolier sur la lande ?
Je fais la promotion d'un imbécile heureux
Qui admire un héros qui meut pour une reine.
-- Et toi, qui chantes-tu, ma petite sirène ?
J'exalte un grand roi dont j'espère le baiser.
-- Et toi, qui chantes-tu, barde hallucinatoire ?
J'admire les écrits d'un mandarin notoire
(Mais leur déchiffrement est plutôt malaisé).
Sagesse du dinosaure
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Le dinosaure a dit : «Mon époque fut belle,
Sans ces bruyants engins qui sont malodorants;
Heureux ce temps pour nous, aussi pour nos enfants,
Et peut-être aussi pour ma compagne fidèle.»
Or, je ne peux en faire un sujet de querelle,
Je suis accommodant quand l’adversaire est grand;
Et puis ces souvenirs qu’il s’en va savourant
D’une douce couleur de nostalgie se mêlent.
D’ailleurs, quand il était maître de ce terroir,
Il était respecté pour son beau nonchaloir ;
Il ne tourmentait point la faune obéissante.
Peut-être, je devrais lui dire qu’il est mort,
Que seuls restent les os de sa forme géante ;
Mais il parle si bien, pourquoi lui donner tort ?
Chien d’Artémis
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Cet animal joyeux dit : « Ma maîtresse est belle,
Puis j’aime parcourir les sous-bois odorants ;
Elle vit sans mari, mais je suis son enfant,
Moi qui, mieux qu’un humain, sais me montrer fidèle.»
La déesse et le chien jamais ne se querellent,
Aux dîners de l’Olympe il sait tenir son rang ;
Il dit du bien des plats, tout en les savourant,
Des intrigues des dieux jamais il ne se se mêle.
Il connaît les secrets de son vaste terroir,
Il trouve le gibier aux magiques miroirs ;
Artémis apprécie son âme obéissante.
Compère Sanglier voudrait le mettre à mort ;
Le chien sait esquiver ses attaques puissantes,
Comment aurait-il peur des assauts d’un vieux porc ?
Goupil lettré
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Je ne lis rien de sulfureux,
Mais bien de la prose gourmande ;
Des anecdotes allemandes
Exemptes de détails scabreux.
Je découvre l’aventureux
Rimeur épris de Mélisande ;
Je les vois danser sur la lande
En disant des mots amoureux.
Je rencontre une étrange reine.
Qui s’avère être une sirène,
Sortie de l’eau pour un baiser.
Je vois un paresseux notoire
Aller de victoire en victoire ;
J’aime son sourire apaisé.