Les Belges et la Lune
On n’a jamais connu de race si baroque
Que ces Belges. Devant le joli, le charmant,
Ils roulent de gros yeux et grognent sourdement.
Tout ce qui réjouit nos cœurs mortels les choque.Dites un mot plaisant, et leur œil devient gris
Et terne comme l’œil d’un poisson qu’on fait frire ;
Une histoire touchante ; ils éclatent de rire,
Pour faire voir qu’ils ont parfaitement compris.Comme l’esprit, ils ont en horreur les lumières ;
Parfois sous la clarté calme du firmament,
J’en ai vu, qui rongés d’un bizarre tourment,Dans l’horreur de la fange et du vomissement,
Et gorgés jusqu’aux dents de genièvre et de bières,
Aboyaient à la Lune, assis sur leurs derrières.
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Charles BAUDELAIRE
Charles Pierre Baudelaire est un poète français, né à Paris le 9 avril 1821 et mort le 31 août 1867 à Paris. Il est l’un des poètes les plus célèbres du XIXe siècle : en incluant la modernité comme motif poétique, il a rompu avec l’esthétique classique ; il est aussi celui qui a popularisé le poème en... [Lire la suite]
Poisson de Krylov
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Le poisson de Krylov, c’est un poisson baroque
Qui volontiers s’égare en des plaisirs charnels ;
Il peut tenir aussi des discours solennels
Et citer des auteurs de toutes les époques.
Il n’a pas peur de l’ours, il ne craint pas le phoque,
Ni le pesant tourteau, ni le requin cruel ;
Il sort parfois de l’eau pour dérober du miel
Ou d’un épouvantail admirer la défroque.
C’est un fier animal, un rêveur de lumière
Dont le regard s’élève et voit le firmament ;
Son coeur est débonnaire, ignorant les tourments.
Il ne refuse pas les divertissements,
Grignotant des bretzels, dégustant de la bière,
Procurant du bonheur aux belles tavernières.
Sagesse du poisson volant
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Je survole un village et ses humbles bicoques,
Puis je m’en vais planer sur les monts éternels ;
Le grand soleil m’accorde un regard paternel,
Lui dont le noble corps traverse les époques.
Faute d’un cachalot, je me nourris d’un phoque,
J’arrive à capturer les aigles dans le ciel ;
Je dévore le tigre et l’ours mangeur de miel,
D’être ainsi menacés, cela les interloque.
De la lune d’automne absorbant la lumière,
Je prélève une étoile au fond du firmament ;
Le nocturne dragon me poursuit vainement.
Tels sont, vous le voyez, mes divers aliments,
Puis je fais tout descendre avec un peu de bière ;
Pourtant, je n’ai jamais mangé la tavernière.
Epsilon Hippopotami
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Cette étoile grimace et cela m’interloque,
Cela perturbe aussi les habitants du ciel ;
Aurait-elle surpris l’archange Gabriel
Sur Terre accomplissant des gestes équivoques ?
A-t-elle d’un trou noir capté le soliloque,
Fut-elle importunée par cet astre cruel ?
Je pose ces questions au Seigneur Azazel,
Il réfléchit un peu, puis il dit qu’il s’en moque.
De ce corps je reçois l’incertaine lumière,
Je demeure pensif en finissant ma bière ;
J’ignorais qu’une étoile eût aussi des tourments.
De la terrasse on peut scruter le firmament,
Ça permet d’oublier ce monde de poussière ;
« N’oublie pas de régler », me dit la tavernière.