Les Arbres
Dans l’azur de l’avril, dans le gris de l’automne,
Les arbres ont un charme inquiet et mouvant.
Le peuplier se ploie et se tord sous le vent,
Pareil aux corps de femme où le désir frissonne.Sa grâce a des langueurs de chair qui s’abandonne,
Son feuillage murmure et frémit en rêvant,
Et s’incline, amoureux des roses du Levant.
Le tremble porte au front une pâle couronne.Vêtu de clair de lune et de reflets d’argent,
S’effile le bouleau dont l’ivoire changeant
Projette des pâleurs aux ombres incertaines.Les tilleuls ont l’odeur des âpres cheveux bruns,
Et des acacias aux verdures lointaines
Tombe divinement la neige des parfums.
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Renée VIVIEN
Renée Vivien, née Pauline Mary Tarn le 11 juin 1877 à Londres et morte le 18 novembre 1909 à Paris, surnommée « Sapho 1900 », est une poétesse britannique de langue française du courant parnassien de la Belle Époque. Renée Vivien était la fille d’une mère américaine et d’un père britannique fortuné qui mourut en 1886,... [Lire la suite]
Le peuplier, le tremble, le bouleau, le tilleul et l'acacia seraient émus de se voir si gracieusement évoqués.
Arbres commémoratifs
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J’ai vu dans un grand champ trois arbres de mémoire ;
Des forêts de jadis, ils restent seuls debout ;
Dans leur ombre propice un barde venait boire
Afin d’y cultiver la sagesse des fous.
Le feuillage après lui murmure des histoires
De serpent et de pomme, et de tigre, et de loup ;
Le barde avait chez lui de petits dieux d’ivoire
Lui dictant des récits au décor un peu flou.
La licorne qui danse et refuse la bride,
Le vaillant hamster-grive et bien d’autres hybrides
Ont ces contes appris, les gardant inchangés.
Le vent retient aussi des messages sonores ;
Les trois arbres-témoins toujours se remémorent
Les lointains souvenirs en leur âme engrangés.
Barde polycéphale
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Barde qui de sa vie a dépassé l’automne,
D’amoureux souvenirs lui reviennent souvent ;
Plaisirs venus du ciel et qu’emporte le vent,
L’esprit en peut frémir, la mémoire en frissonne.
La tendresse du coeur aucun mot n’abandonne,
Le galant d’autrefois peut revivre en rêvant ;
Songe qu’à grande peine on quitte en se levant,
Au cruel Cupidon, pourtant, l’âme pardonne.
L’esprit se refroidit sous des cheveux d’argent,
N’étant guère tranquille en ce monde changeant ;
La mort est annoncée, la vie est incertaine.
Folle fut cette tête au temps des cheveux bruns ;
Mais que nous sont ces jours de jeunesse lointaine,
Sinon la nostalgie et l’oubli d’un parfum.
rois jeunes arbres
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Nous avons partagé les printemps, les automnes
Et les autres saisons avec tous les vivants ;
Nous avons écouté la romance du vent
Et celle du clocher qui au village sonne.
Nous accompagnons ceux que la vie abandonne
Et ceux qui ont des nuits et des jours éprouvants ;
Nous écoutons aussi leurs récits émouvants
Ou les refrains légers que leur âme fredonne.
Ici croît un bouleau à l’écorce d’argent
Qui à mille sujets tout le jour va songeant,
Laissant vagabonder sa pensée incertaine.
Au long d’un vert sentier passe un petit ours brun ;
Sans doute il ira voir sa promise lointaine
Dont son coeur croit déjà respirer le parfum.
Trois jeunes arbres ----------------------- retouche
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Nous avons partagé les printemps, les automnes
Et les autres saisons avec tous les vivants ;
Nous avons écouté la romance du vent
Et celle du clocher qui au village sonne.
Nous accompagnons ceux que la vie abandonne
Et ceux qui ont des nuits et des jours éprouvants ;
Nous écoutons aussi leurs récits émouvants
Ou les refrains légers que leur âme fredonne.
Ici croît un bouleau à l’écorce d’argent
Qui à mille sujets tout le jour va songeant,
Laissant vagabonder sa pensée incertaine.
Au long d’un vert sentier passe un petit ours brun ;
Sans doute il ira voir sa promise lointaine
Dont son coeur croit déjà respirer le parfum.
Trinité du pâturage
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L’herbe de ce grand pré n’a guère de mémoire
Et le peu qu’elle en a provient d’on ne sait où ;
Elle sait qu’on est mieux quand on a de quoi boire
Et que le mauvais temps vaut moins que le temps doux.
Trois petits dieux de trèfle écrivent son histoire
Mais beaucoup de détails dans leurs textes sont flous ;
« Je peux même en trouver qui sont contradictoires »,
Me faisait remarquer le curé de Saint-Loup.
Or, pris globalement, cet écrit nous déride
Car il est plein de vie, il est tout sauf aride ;
Je serai donc d’avis de ne rien y changer.
J’entends un chant d’oiseau, commentaire sonore
Qui charme mon oreille et dont le pré s’honore,
Sauf les trois petits dieux qu’une vache a mangés
encore eût-il fallu que je le susse!!!
Barque amnésique
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Cette nef perdit la mémoire,
Ça ne la gêne pas beaucoup ;
Elle confond Garonne et Loire,
Ses quelques souvenirs sont flous.
Elle ignore sa propre histoire,
Ne la sachant ni peu ni prou ;
Elle décline, c’est notoire,
Elle a de l’eau perdu le goût.
Le monde lui semble un grand vide ;
L’atmosphère n’est plus limpide,
Elle porte mille dangers.
Les oiseaux lui parlent encore ;
C’est pour elle un non-sens sonore,
Un afflux de mots étrangers.
Planète sans vie
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Ici, nul printemps, nul automne,
Nulle trace d’êtres vivants ;
Nulle oreille n’entend le vent,
Le soleil n’éclaire personne.
Aucune dryade friponne
Ne va sourire en t’observant ;
Tu peux bien l’attendre en rêvant,
Vain est l’espoir que tu te donnes.
Au ciel, des étoiles d’argent
Vont à je ne sais quoi songeant ;
Mais leur humeur est incertaine.
Quel sens a cette histoire ? aucun ;
Rien sur cette terre lointaine
Ne se rattache au sens commun.