Les Angéliques
Des soirs, j’errais en lande hors du hameau natal,
Perdu parmi l’orgueil serein des grands monts roses,
Et les Anges, à flots de longs timbres moroses,
Ébranlaient les bourdons, au vent occidental.Comme un berger-poète au cœur sentimental,
J’aspirais leur prière en l’arôme des roses,
Pendant qu’aux ors mourants, mes troupeaux de névroses
Vagabondaient le long des forêts de santal.Ainsi, de par la vie où j’erre solitaire,
J’ai gardé dans mon âme un coin de vieille terre,
Paysage ébloui des soirs que je revois ;Alors que, dans ta lande intime, tu rappelles,
Mon cœur, ces angélus d’antan, fanés, sans voix :
Tous ces oiseaux de bronze envolés des chapelles !
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Émile NELLIGAN
Émile Nelligan (24 décembre 1879 à Montréal – 18 novembre 1941 à Montréal) est un poète canadien (québécois). Disciple du symbolisme, il a été profondément influencé par Octave Crémazie, Louis Fréchette, Charles Baudelaire, Paul Verlaine, Arthur Rimbaud, Georges Rodenbach, Maurice Rollinat et Edgar Allan Poe. Parmi les... [Lire la suite]
J’ai rêvé que j’étais étranger sur la Terre,
Ne connaissant serpent, aviateur, ni renard.
Je voulais m’éloigner avant qu’il soit trop tard
Et refermer les yeux sur de trop noirs mystères.
J’ai rêvé que j’étais, voyageur solitaire,
Emporté dans l’espace aux mille astres blafards,
J’ai rêvé que l’essaim de mes rêves épars
Ne cessait de danser un ballet funéraire.
Il est mort, désormais, l’éclat de ma jeunesse.
J’ai vu aussi la mort de ma jeune sagesse ;
Une voix m’avertit de celle du grand Pan.
Le soir, de çà, de là, d’autres voix me parviennent.
Cette vie que je vis, est-ce vraiment la mienne ?
Parfois je dis que oui, ou bien non... Ça dépend...
Fleurs de nostalgie
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En rêve je te vois, paysage natal
Auquel sont consacrés des vers et le la prose ;
Lieu dont les habitants oublient d’être moroses
Et dont j’ai retenu plus d’un mot dialectal.
Ces lignes ne sont pas un chant sentimental :
Juste la nostalgie des lilas et des roses
Et de l’herbage aussi, qu’un ruisselet arrose,
Et du vin qui vieillit au château vicomtal.
Or, de ces quelques mots d’un scribe solitaire,
Rien n’entendront les gens de cette belle terre ;
Car ils m’ont oublié, mais mon coeur les revoit.
Parmi les sons que j’aime et que je me rappelle
Est le chant grégorien d’un moine à belle voix
Qui désormais repose auprès de sa chapelle.
Oiseau serein
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Je vieillis dans mon lieu natal,
Moi, friand de vers et de prose ;
Je n’ai pas lieu d’être morose
Ni même trop sentimental.
Personne envers moi n’est brutal;
Je peux donc voir la vie en rose :
Même quand l’eau du ciel m’arrose,
C’est bon, c’est du bonheur total.
Moi qui suis sage et solitaire,
J’ai bien du respect pour ma terre ;
Je sais tout ce que je lui dois.
Mes débuts, je me les rappelle,
J’imitais, de ma faible voix,
Le chant d’un moine en sa chapelle.