Les Adieux du coq
Que le coq agite sa crête
Où l’entendent les girouettes ;
Adieu, maisons aux tuiles rouges,
Il y a des hommes qui bougent.Âme ni mon corps n’étaient nés
Pour devenir cette momie,
Bûche devant la cheminée
Dont la flamme est ma seule amie.Vénus aurait mieux fait de naître
Sur le monotone bûcher
Devant lequel je suis couché,
La guettant comme à la fenêtre.Nous ne sommes pas en décembre ;
Je ne serais guère étonné
Pourtant, si dans la cheminée,
Un beau matin je vois descendreVénus en pleurs du ciel chassée,
Vénus dans ses petits sabots
(De Noël les moindres cadeaux
Sont luxueusement chaussés).Mais, Écho ! je sais que tu mens.
Par le chemin du ramoneur,
Comme en un miroir déformant,
Divers fantômes du bonheur,À pas de loup vers moi venus,
Surprirent corps et âmes nus.
– Bonheur, je ne t’ai reconnu
Qu’au bruit que tu fis en partant.Reste étendue, il n’est plus temps,
Car il vole, âme, et toi tu cours,
Et déjà mon oreille avide,
Suspendue au-dessous du vide,Ne perçoit que la basse-cour.
Coq, dans la gorge le couteau
Du criminel, chantez encor :
Je veux croire qu’il est trop tôt.
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Raymond RADIGUET
Raymond Radiguet est un écrivain français, né le 18 juin 1903 à Saint-Maur et mort le 12 décembre 1923 à Paris.
Ainé de sept enfants, il est le fils du dessinateur Maurice Radiguet (1866-1941). Sa mère est Jeanne Marie Louise Tournier (1884-1958).
Après l’école communale, il passe l’examen des bourses et entre au... [Lire la suite]
Plumes reflétées
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S'il arrivait au coq de voir
Son image au miroir,
Contre un rival imaginaire
Il partirait en guerre.
Si l'écho lui renvoie son chant,
Il devient très méchant,
Il ébouriffe son plumage
Et devient vert de rage.
Mais voir un couteau de métal,
Ça, c'est le plus brutal ;
Il dit alors un « Notre Père »
Juste avant de se taire.
Coq de gueules
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Dans le ciel d'or un grand coq rouge
Veut s'en prendre à tout ce qui bouge ;
Tant que le jour n'est pas couché,
Il change le monde en bûcher.
Aussitôt que la nuit va naître,
Il rêvera, près des fenêtres,
Aux plumes des poules d'antan,
Il y songera bien longtemps.
Auprès du miroir déformant,
Disant une histoire qui ment,
Il scrutera d'un oeil avide
Les trésors d'une boîte vide.
Miroir d'ancre
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Cette belle ancre offre un miroir
Où le marin s'amuse à voir
Un univers imaginaire
Qui jamais n'a connu la guerre.
D'une bouteille le doux chant
Évoque des instants touchants ;
D'un grand navire de passage
S'est embelli le paysage.
Cette grande ancre de métal
N'impose pas d'ordre total
Aux reflets du monde ordinaire ;
Ça, c'est pour les miroirs primaires.
Le seigneur Galliforme
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Sitôt qu’il a cru voir un renard, il se cache ;
Il n’est de ces guerriers, leur frayeur surpassant,
Qui frappent l’adversaire avec des coups puissants,
Il veut rester tranquille, à son calme il s’attache ;
Admiré cependant, aimé sans qu’il le sache
Des poules dont toujours le désir va croissant,
Il n’a jamais été un prince languissant,
Préférant s’investir en de modestes tâches.
Merveilleux galliforme ! Il semble fort heureux
D’arpenter le décor sans tomber amoureux,
Sa libido, dit-on, n’est plus qu’une relique.
Mais c’est un bon convive, il n’est pas inhumain,
Ce seigneur vieillissant n’est pas mélancolique,
Quelquefois caressé par une douce main.
Fantôme d’un coq
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En rêve, il s’en retourne en je ne sais quels lieux,
Il goûte encore un peu de vin sous les tonnelles ;
Il n’est pas attiré par les choses nouvelles,
Il est indifférent aux caprices des cieux.
Jamais il ne perçut la présence de Dieu
(Et qu’en aurait pu dire une raison mortelle ?) ;
Jamais il ne connut la sagesse éternelle
Ni rien qui s’en rapproche, et d’ailleurs, c’est tant mieux.
Bien loin de la fortune et loin de la misère,
On n’entend point de lui des paroles amères ;
Même, on le voit sourire à de tendres faveurs.
Sans recevoir d’honneurs, il a sauvé la face ;
Il compose ces vers qu’il récite à voix basse,
Et dont il apprécie la timide saveur.
Chantecler de janvier
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Il chante à la taverne, ainsi qu’en d’autres lieux,
Pour son frère Cochon, pour sa soeur Hirondelle ;
Son chant peut célébrer les choses les plus belles,
La Terre où nous vivons, l’inframonde et les cieux.
Jadis il fit un hymne à la gloire de Dieu
Mais il chante à présent les jolies demoiselles ;
Pensant que nulle vie n’est vraiment éternelle,
Il dit que chacun doit en user de son mieux.
Son oeuvre est un recueil de sagesse légère
Qui à nos sentiments n’est jamais étrangère ;
Car des pleurs et du rire il connaît la saveur.
Que l’adversité vienne, il la regarde en face,
Sans pourtant s’occuper de ce qui le dépasse ;
C’est un vieux plaisantin, ce n’est pas un sauveur.
Le seigneur Coq d’Azur
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Jamais il ne sourit, qui sait ce que ça cache,
Une absence de coeur, une froideur du sang ?
Ce n’est pas un poulet, car c’est un coq puissant,
Mirabelle l’a dit, c’est une sainte vache.
Si à plus d’une poule au printemps il s’attache,
Son désir se retrouve, en été, décroissant ;
Mais il aime accueillir des poussins ravissants,
Il s’amuse avec eux, jouant à cache-cache.
En ce poulailler sont des habitants heureux,
Des poulettes je vois les regards amoureux,
Jamais ne vient ici le goupil diabolique.
Ce coq aime citer des vers d’Albert Samain
Ou des textes sacrés, qu’on dit apostoliques,
Lui qui jamais n’aura souci du lendemain.
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https://paysdepoesie.wordpress.com/?s=mirabelle
Malicieuse Mirabelle
« Si je souhaite durer, il faut que je me cache,
Les vieux voudront ma peau, ma chair et puis mon sang,
Quand le jet de mes pis ne sera plus puissant,
Et dire qu’ils s’insultent quand ils ne nomment « vache » !
Il faut que le soutien de quelqu’un je m’attache,
Pourquoi pas l’apprenti qui livre des croissants,
Son sourire à ma vue est toujours ravissant ? »,
Fomente Mirabelle alors qu’au parc, elle mâche.
Le dimanche suivant, le mitron généreux
La retrouve enfoncée en un endroit terreux,
Semblant lui adresser, de l’aide, la supplique.
En entrant dans le pré, il ouvre le chemin
Au bovin malicieux qui à sortir s’applique,
Hélas, le lendemain, il est repris en main.