Le Tombeau de la négresse
Alors qu’il nous eût fui le grand vent des hivers,
Aux derniers ciels pâlis de mars, nous la menâmes
Dans le hallier funèbre aux odeurs de cinnames,
Où germaient les soupçons de nouveaux plants rouverts.De hauts rameaux étaient criblés d’oiseaux divers
Et de tristes soupirs gonflaient leurs jeunes âmes.
Au limon moite et brut où nous la retournâmes,
Que l’Africaine dorme en paix dans les mois verts !Le sol pieusement recouvrira ses planches;
Et le bon bengali, dans son château de branches,
Pleurera sur maint thème un peu de ses vingt ans.Peut-être, revenues en un lointain printemps,
Verrons-nous, de son cœur, dans les buissons latents
Eclore en grand lys noir entre des roses blanches.
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Émile NELLIGAN
Émile Nelligan (24 décembre 1879 à Montréal – 18 novembre 1941 à Montréal) est un poète canadien (québécois). Disciple du symbolisme, il a été profondément influencé par Octave Crémazie, Louis Fréchette, Charles Baudelaire, Paul Verlaine, Arthur Rimbaud, Georges Rodenbach, Maurice Rollinat et Edgar Allan Poe. Parmi les... [Lire la suite]
Dame Plume et Maître Encrier
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La plume et l’encrier sont, été comme hiver,
Les serviteurs du jour, les gardiens de la flamme,
Encrier, brave gars, et Plume, gente dame,
Il est ici pour vous, ce cahier grand ouvert.
De beaux feuillets qui sont noircis de mots divers,
La virgule et le point qui leur donnent une âme,
Avec votre assistance un grand recueil se trame ;
Un corpus instructif, un petit univers.
Ainsi qu’un bûcheron fait sa maison de planches,
Ainsi qu’un bel oiseau fait son château de branches,
Je bâtis un manoir de sonnets miroitants ;
Et s’il leur est donné d’égayer le printemps
Ou de redonner vie à mon coeur hésitant,
Je poursuivrai mon chant sur d’autres pages blanches.
Camarade Escuiruel
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Dans sa douce fourrure, il ne craint pas l’hiver,
Ses muscles sont d’acier, son coeur est une flamme ;
Si, dans cette forêt, s’aventure une dame,
Je le vois s’avancer vers elle, à découvert.
Il aime réciter des poèmes divers,
De modestes sonnets qui ont nourri son âme ;
Il y voit du bonheur, et quelquefois, des drames,
Il dit qu’un tel recueil est un vaste univers.
Le bûcheron l’invite en sa maison de planches,
Et c’est avec plaisir qu’il descend de sa branche ;
Pur lui, chaque saison est un nouveau printemps.
S’il se promène auprès de l’étang miroitant,
Il suit des alevins le parcours hésitant ;
Pour tous ces animaux, c’est chaque jour dimanche.