Le Songe d’Endymion
ENDYMION.
Dans la mer d’Hespérie aux vagues empourprées
Hélios éteint ses flammes sacrées.
Pan, le divin pasteur, de sa flûte aux sept voix
Apaise lentement l’harmonieuse plainte,
Et, sous les dômes verts des antres d’Aracinthe,
S’endorment on paix les grands cerfs des bois.Nul n’ira plus troubler leur paisible retraite ;
La Dryade, au sein de l’ombre discrète,
Entraîne le chasseur sous des bosquets charmants ;
Car c’est l’heure amoureuse où de légers bruits d’ailes
Passent dans l’air autour du nid des tourterelles,
C’est l’heure du soir propice aux amants.Mais ce n’est pas pour voir glisser parmi les branches
L’essaim fugitif des Dryades blanches
Que je suis venu seul au fond des bois sacrés :
C’est pour sentir, du soir à l’aube matinale,
O blonde Cynthia ! ta lueur virginale
Tomber sur mon front des cieux azurés.PHŒBÉ.
Je suis la vierge aux pieds d’argent, aux chastes voiles,
Qui guide au ciel le chœur cadencé des étoiles,
La blanche Artémis, reine des forêts.
Malheur à l’insensé qui de mon culte austère
A voulu sonder l’auguste mystère,
Et d’un regard profane a surpris mes secrets !Inquiet, haletant, il s’égare, semblable
Au cerf qu’Éros perça d’une flèche implacable ;
Vengeant par sa mort la sainte pudeur,
De ses désirs sans frein la meute rugissante
Par les prés, les champs, les bois d’Érimanthe,
Le poursuit, le déchire et lui ronge le cœur.ENDYMION.
D’un terrestre désir souillant mon âme altière
Jamais je n’ai d’Éros orné l’impur autel.
Pour un culte plus saint je garde ma prière,
Et mon cœur est pur comme ta lumière,
Mon amour profond comme ton beau ciel.Respirant les rayons nacrés dont tu m’inondes,
Comme tes astres d’or dans les cieux attiédis,
O pâle Séléné ! reine des nuits profondes,
Je veux me baigner dans les chastes ondes
Des bleus océans où tu resplendis.PHŒBÉ.
Dors sous le frais abri des forêts poétiques ;
Je ne puis du ciel descendre vers toi,
Mais j’ai le secret des philtres magiques ;
Je puis, par la vertu de paroles mystiques,
Dans un rêve divin t’élever jusqu’à moi.Et demain, sur la terre où le réveil t’appelle,
Quand se lèvera l’astre matinal,
Plein du souvenir d une nuit si belle,
Tu verras luire encor ton amante immortelle
Au ciel immaculé de l’amour idéal.
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Louis MÉNARD
Louis-Nicolas Ménard, né à Paris le 19 octobre 1822 et mort à Paris le 9 février 1901, est un écrivain et poète français. Condisciple de Baudelaire au lycée Louis-le-Grand, il entra ensuite à l’École normale. Peu après avoir publié en 1843 un ouvrage intitulé « Prométhée délivré » sous le... [Lire la suite]
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