Poème 'Le renard qui prêche' de Jean-Pierre Claris de FLORIAN dans 'Fables'

Le renard qui prêche

Jean-Pierre Claris de FLORIAN
Recueil : "Fables"

Un vieux renard cassé, goutteux, apoplectique,
Mais instruit, éloquent, disert,
Et sachant très bien sa logique,
Se mit à prêcher au désert.
Son style était fleuri, sa morale excellente.
Il prouvait en trois points que la simplicité,
Les bonnes moeurs, la probité,
Donnent à peu de frais cette félicité
Qu’un monde imposteur nous présente
Et nous fait payer cher sans la donner jamais.
Notre prédicateur n’avait aucun succès ;
Personne ne venait, hors cinq ou six marmotes,
Ou bien quelques biches dévotes
Qui vivaient loin du bruit, sans entour, sans faveur,
Et ne pouvaient pas mettre en crédit l’orateur.
Il prit le bon parti de changer de matière,
Prêcha contre les ours, les tigres, les lions,
Contre leurs appétits gloutons,
Leur soif, leur rage sanguinaire.
Tout le monde accourut alors à ses sermons :
Cerfs, gazelles, chevreuils, y trouvaient mille charmes ;
L’auditoire sortait toujours baigné de larmes ;
Et le nom du renard devint bientôt fameux.
Un loin, roi de la contrée,
Bon homme au demeurant, et vieillard fort pieux,
De l’entendre fut curieux.
Le renard fut charmé de faire son entrée
A la cour : il arrive, il prêche, et, cette fois,
Se surpassant lui-même, il tonne, il épouvante
Les féroces tyrans des bois,
Peint la faible innocence à leur aspect tremblante,
Implorant chaque jour la justice trop lente
Du maître et du juge des rois.
Les courtisans, surpris de tant de hardiesse,
Se regardaient sans dire rien ;
Car le roi trouvait cela bien.
La nouveauté parfois fait aimer la rudesse.
Au sortir du sermon, le monarque enchanté
Fit venir le renard : vous avez su me plaire,
Lui dit-il, vous m’avez montré la vérité ;
Je vous dois un juste salaire :
Que me demandez-vous pour prix de vos leçons ?
Le renard répondit : sire, quelques dindons.

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Commentaires

  1. Goupil transcendant
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    Le goupil transcendant, c’est un être indocile,
    Un Tartuffe, un prêcheur mangeant plus qu’à sa faim ;
    Les dindons, éblouis pas ses discours sans fin,
    Pensent qu’il s’agit là d’un moderne Virgile.

    Goupil, tu es pourvu d’un cerveau trop habile
    (Serait-ce un souvenir de ton père défunt ?),
    Tu as trompé le rat, le porc et le dauphin,
    Te voici le gourou de ces dindons serviles.

    Plus d’un coq endeuillé maudit ton existence,
    Toi qui de sa moitié te fis une pitance,
    Ce sur quoi vainement je l’entends protester.

    Pire que ce goupil est un certain primate,
    Un glabre individu qu’on dirait psychopathe,
    Se croyant du cosmos le maître incontesté.

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