Le Regret des joujoux
Toujours je garde en moi la tristesse profonde
Qu’y grava l’amitié d’un adorable enfant
Pour qui la mort sonna le fatal olifant,
Parce qu’elle était belle et gracieuse et blonde.Or, depuis je me sens muré contre le monde,
Tel un prince du Nord que son Kremlin défend,
Et, navré du regret dont je suis étouffant,
L’Amour comme à sept ans ne verse plus son onde.Où donc a fui le jour des joujoux enfantins,
Lorsque Lucile et moi jouions aux pantins
Et courions tous les deux dans nos robes fripées ?La petite est montée au fond des cieux latents,
Et j’ai perdu l’orgueil d’habiller ses poupées…
Ah ! de franchir sitôt le portail de vingt ans !
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Émile NELLIGAN
Émile Nelligan (24 décembre 1879 à Montréal – 18 novembre 1941 à Montréal) est un poète canadien (québécois). Disciple du symbolisme, il a été profondément influencé par Octave Crémazie, Louis Fréchette, Charles Baudelaire, Paul Verlaine, Arthur Rimbaud, Georges Rodenbach, Maurice Rollinat et Edgar Allan Poe. Parmi les... [Lire la suite]
Olifant d’azur
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Cor en deuil, sa peine est profonde,
À l’entendre mon coeur se fend ;
Lui qui jadis fut triomphant,
Il se meurt, le chagrin l’inonde.
Dans ce vallon, l’orage gronde,
Nous tremblons, comme des enfants ;
Plus personne ne se défend
Contre nos assaillants immondes.
Je frissonne, tel un pantin
Entre les mains d’un plaisantin ;
C’est la fin de mon épopée.
Je ne suis plus un combattant,
Car ma vigueur s’est estompée ;
J’étais rempli d’espoir, pourtant.