Le quartier des Halles
Je ne reviendrai plus dans le quartier des Halles.
Mes diables sont partis, pour Dieu sait quel enfer…
Les touristes ont marché sur les derniers pétales
De nos derniers bouquets, on ne peut rien y faire.
Je ne suis pas client pour les pèlerinages.
Bien le bonjour chez vous ! Je ne reviendrai plus,
J’emporte mes souv’nirs avec le paysage,
Le passé dans ma poche et mon mouchoir dessus.Lèvres couleur de sang et du velours aux chasses,
La belle sans merci fumaille en rêvassant.
Au pas lent des années j’étais celui qui passe,
Mais de Sainte Apolline au Squar’ des Innocents
On ne me verra plus jamais traîner mes guêtres
Au gré des muscadets de quatre heur’s du matin
Avec mon cinéma tout vivant dans ma tête
Et l’étincelle froide au regard des tapins.J’allais déambuler… je croisais des fantômes,
Tire-laine en ribote ou pendus décrochés,
Et ça tourbillonnait autour des jolies mômes
Maculées de sang frais par les garçons bouchers.
Les camions de lilas s’ouvraient en avalanches
Et tout autour de moi l’air sentait le printemps.
En des temps très anciens, Saint-Eustache était blanche.
Là-bas j’étais chez moi, bien peinard, et pourtant
On ne me verra plus dans le quartier des Halles,
Ce qui peut s’y passer ne m’intéresse plus…
Les temps sont accomplis, à nous de fair’ la malle,
Je ne suis pas client pour les regrets non plus…
Adieu mes fleurs de sang, mes panthères de jeunesse,
Je vais aller traîner sur les quais de Bercy.
Malgré moi j’ai le coeur éclaté de tendresse,
Saint-Eustache a gagné, les diables sont partis.
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Bernard DIMEY
Bernard Dimey, né Bernard Georges Lucide Dimey le 16 juillet 1931 à Nogent-en-Bassigny (aujourd’hui Nogent) (Haute-Marne) et mort le 1er juillet 1981 à Paris, est un poète, auteur de chansons et dialoguiste français. Il commence à faire de la radio, puis écrit dans la revue Esprit. Il s’intéresse à la peinture (il a... [Lire la suite]
Quand l'urbanisation mit à Rungis les Halles,
De ce coin de Paris ne battit plus le coeur ;
Telle une fleur ayant perdu tous ses pétales,
Le quartier s'enfonça dans la sombre rancoeur.
Tous les rats vers le Sud firent pèlerinage,
Tous les chats, les cherchant, ne les trouvèrent plus.
Un grand trou remplaça notre ancien paysage,
Même, le ciel n'était plus pareil au-dessus.
Aurait-il fallu mettre une relique en châsse ?
Une ville évolue au fil du temps qui passe,
On sait qu'on n'y peut rien, nous, bardes rêvassants.
Bernard, tu n'allais plus dans ton quartier des Halles,
De ce monde, on m'a dit que tu t'es fait la malle,
Sauf un peu d'âme, à la place des Innocents.