Le Phare
Phœbus, de mauvais poil, se couche.
Droit sur l’écueil :
S’allume le grand borgne louche,
Clignant de l’œil.Debout, Priape d’ouragan,
En vain le lèche
La lame de rut écumant…
– Il tient sa mèche.Il se mâte et rit de sa rage,
Bandant à bloc ;
Fier bout de chandelle sauvage
Plantée au roc !– En vain, sur sa tête chenue,
D’amont, d’aval,
Caracole et s’abat la nue,
Comme un cheval…– Il tient le lampion au naufrage,
Tout en rêvant,
Casse la mer, crève l’orage
Siffle le vent,Ronfle et vibre comme une trompe,
– Diapason
D’Éole – Il se peut bien qu’il rompe,
Mais plier – non. –Sait-il son Musset : À la brune
Il est jauni
Et pose juste pour la lune
Comme un grand I.… Là, gît debout une vestale
– C’est l’allumoir –
Vierge et martyre (sexe mâle)
– C’est l’éteignoir. –Comme un lézard à l’eau-de-vie
Dans un bocal,
Il tirebouchonne sa vie
Dans ce fanal.Est-il philosophe ou poète ?…
– Il n’en sait rien –
Lunatique ou simplement bête ?…
– Ça se vaut bien –Demandez-lui donc s’il chérit
Sa solitude ?
– S’il parle, il répondra qu’il vit…
Par habitude.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
– Oh ! que je voudrais là, Madame,
Tous deux !… – veux-tu ? –
Vivre, dent pour œil, corps pour âme !…
– Rêve pointu. –Vous percheriez dans la lanterne :
Je monterais…
– Et moi : ci-gît, dans la citerne…
– Tu descendrais –Dans le boyau de l’édifice
Nous promenant,
Et, dans le feu – sans artifice –
Nous rencontrant.Joli ramonage… et bizarre,
Du haut en bas !
– Entre nous… l’érection du phare
N’y tiendrait pas…
Les Triagots. – Mai.
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Tristan CORBIERE
Édouard-Joachim Corbière, dit Tristan Corbière, né le 18 juillet 1845 au manoir de Coat-Congar à Morlaix (Finistère) et mort le 1er mars 1875 à Morlaix, est un poète français. Il est né de l’union d’Édouard Corbière et d’Angélique Aspasie Puyo que 33 ans séparent : à sa naissance, son père est âgé de... [Lire la suite]
Storni voit un phare
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Le ciel, un globe de noirceur ;
La mer, du noir sans épaisseur.
Le phare s’adresse à la terre
Avec son éventail solaire.
Lui qui sans cesse tourne et luit,
Qui cherche-t-il en cette nuit ?
Veut-il, en ma poitrine frêle,
Voir mon coeur, cette chair mortelle ?
Regarde donc ce noir rocher
Auquel il se tient accroché :
Un corbeau toujours le picore,
Je ne crois pas qu’il saigne encore.
https://paysdepoesie.wordpress.com/2014/12/08/storni-voit-un-phare/