Poème 'Le Phare' de Tristan CORBIERE dans 'Les Amours jaunes'

Le Phare

Tristan CORBIERE
Recueil : "Les Amours jaunes"

Phœbus, de mauvais poil, se couche.
Droit sur l’écueil :
S’allume le grand borgne louche,
Clignant de l’œil.

Debout, Priape d’ouragan,
En vain le lèche
La lame de rut écumant…
– Il tient sa mèche.

Il se mâte et rit de sa rage,
Bandant à bloc ;
Fier bout de chandelle sauvage
Plantée au roc !

– En vain, sur sa tête chenue,
D’amont, d’aval,
Caracole et s’abat la nue,
Comme un cheval…

– Il tient le lampion au naufrage,
Tout en rêvant,
Casse la mer, crève l’orage
Siffle le vent,

Ronfle et vibre comme une trompe,
– Diapason
D’Éole – Il se peut bien qu’il rompe,
Mais plier – non. –

Sait-il son Musset : À la brune
Il est jauni
Et pose juste pour la lune
Comme un grand I.

… Là, gît debout une vestale
– C’est l’allumoir –
Vierge et martyre (sexe mâle)
– C’est l’éteignoir. –

Comme un lézard à l’eau-de-vie
Dans un bocal,
Il tirebouchonne sa vie
Dans ce fanal.

Est-il philosophe ou poète ?…
– Il n’en sait rien –
Lunatique ou simplement bête ?…
– Ça se vaut bien –

Demandez-lui donc s’il chérit
Sa solitude ?
– S’il parle, il répondra qu’il vit…
Par habitude.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
– Oh ! que je voudrais là, Madame,
Tous deux !… – veux-tu ? –
Vivre, dent pour œil, corps pour âme !…
– Rêve pointu. –

Vous percheriez dans la lanterne :
Je monterais…
– Et moi : ci-gît, dans la citerne…
– Tu descendrais –

Dans le boyau de l’édifice
Nous promenant,
Et, dans le feu – sans artifice –
Nous rencontrant.

Joli ramonage… et bizarre,
Du haut en bas !
– Entre nous… l’érection du phare
N’y tiendrait pas…

Les Triagots. – Mai.

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Commentaires

  1. Storni voit un phare
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    Le ciel, un globe de noirceur ;
    La mer, du noir sans épaisseur.

    Le phare s’adresse à la terre
    Avec son éventail solaire.

    Lui qui sans cesse tourne et luit,
    Qui cherche-t-il en cette nuit ?

    Veut-il, en ma poitrine frêle,
    Voir mon coeur, cette chair mortelle ?

    Regarde donc ce noir rocher
    Auquel il se tient accroché :

    Un corbeau toujours le picore,
    Je ne crois pas qu’il saigne encore.

    https://paysdepoesie.wordpress.com/2014/12/08/storni-voit-un-phare/

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