Poème 'Le navire mystique' de Antonin ARTAUD dans 'Premiers poèmes'

Le navire mystique

Antonin ARTAUD
Recueil : "Premiers poèmes"

Il se sera perdu le navire archaïque
Aux mers où baigneront mes rêves éperdus,
Et ses immenses mâts se seront confondus
Dans les brouillards d’un ciel de Bible et de Cantiques.

Et ce ne sera pas la Grecque bucolique
Qui doucement jouera parmi les arbres nus ;
Et le Navire Saint n’aura jamais vendu
La très rare denrée aux pays exotiques.

Il ne sait pas les feux des havres de la terre,
Il ne connaît que Dieu, et sans fin, solitaire
Il sépare les flots glorieux de l’Infini.

Le bout de son beaupré plonge dans le mystère ;
Aux pointes de ses mâts tremble toutes les nuits
L’Argent mystique et pur de l’étoile polaire.

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deleage, guillaumePrevel, pablonaudet et ecnaida ont ajouté ce poème parmi leurs favoris.

Commentaires

  1. Magnifique tout simplement.

  2. J'aime tracer des mots dans un style archaïque,
    Sur le jardin, la croix ou l'amour éperdu,
    La beauté du cosmos (dont je suis confondu),
    La voix de Salomé murmurant un cantique,

    La douceur retrouvée d'un monde bucolique,
    La froidure en hiver qui fait les arbres nus,
    Un refrain familier à l'école entendu
    Et l'éclat lumineux des dames exotiques.

    Je ne veux point l'argent, ni le pouvoir sur terre,
    Je m'installe à ma table, et j'écris, solitaire,
    Ces quelques mots qui vont questionnant l'infini.

    Sans les interpréter, j'évoque des mystères :
    Ma plume va dansant, son ombre dans la nuit
    Baigne dans la lueur de l'étoile polaire.

  3. magnifique texte conchonfucius

  4. La nef et l’antinef
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    De nef et d’antinef les couleurs sont les mêmes ;
    Et pour les propulser, faisant le même effort,
    On peut voir manoeuvrer le corps et l’anticorps ;
    Le monde et l’antimonde ont les mêmes problèmes.

    Or, ces deux bateliers se gardent des extrêmes
    Délaissant les trésors et les antitrésors ;
    Aucun des deux ne craint la mort, ni l’antimort,
    Aucun des deux ne vise un triomphe suprême.

    Nous n’avons pas ici des frères criminels,
    Pas besoin de police ou de juge éternel,
    Ce cours d’eau n’est témoin, jamais, de leur souffrance.

    Car le destin ressemble à son antidestin,
    Et je ne trouve pas entre eux de différence,
    Pas plus qu’entre le soir et le petit matin.

  5. Nef sans envergure
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    Sur cette nef en mer nous fûmes vingt ou trente
    Avec de la morue, toujours, pour tout repas.
    Au début, nous aimions cette chair odorante,
    Nous étions enchantés, mais ça ne dura pas.

    Même étant préservé de la faim dévorante,
    Le lieutenant rêvait d’un chapon gros et gras ;
    Nous regardions danser la mer indifférente
    En hissant le grand foc à la force des bras.

    En songe, nous avons contemplé des merveilles,
    De savoureux desserts, des crêpes, des gâteaux,
    Puis tous les fruits du monde emplissant des corbeilles.

    Allons, ne rêvons pas, ce n’est qu’un vieux bateau,
    On n’y sert point des plats comme en ce bon resto
    Où je buvais, jadis, à l’ombre d’une treille.

  6. Nef de la sirène
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    Sur cette nef se tient la sirène chantante,
    Aux dames de chez toi ne la compare pas ;
    Tu ne peux point saisir son âme délirante,
    Si tu as cru cela, certes, tu te trompas..

    Parle-lui prudemment, ce n’est point ta parente,
    Ne lui propose point de dormir dans tes draps ;
    Tu peux lui raconter une histoire marrante,
    Mais par un aphorisme elle te répondra.

    La sirène est un monstre et c’est une merveille,
    Le roi la voudrait bien dans son noble château ;
    Il la régalerait d’une grappe vermeille.

    La sirène aime mieux s’approcher des bateaux,
    D’ailleurs, pour les rejoindre, elle se lève tôt ;
    Mieux vaut le rouge sang que le jus de la treille.

  7. Nef du garonnosaure
    --------

    Ce modeste vaisseau n’est pas une trirème,
    Mais un léger esquif, manoeuvré sans effort ;
    C’est plutôt reposant pour mon robuste corps,
    La minuscule voile est bordée sans problème.

    D’avancer sur les flots, mon plaisir est extrême,
    Mais aussi de passer d’un bord à l’autre bord ;
    Je m’amuse à jurer par les mille sabords
    Ou bien par le trépas du vieil Être Suprême.

    Le fleuve semble issu du monde originel
    Et sa source le lieu d’un retour éternel ;
    L’ondine de Garonne ignore la souffrance.

    Des rêves par milliers, tel sera mon butin,
    Qui pourront transcender les vaines apparences ;
    Des songes lumineux dans le petit matin.

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  1. Naissance d’un style | Pays de poésie

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Antonin ARTAUD

Portait de Antonin ARTAUD

Antonin Artaud, né Antoine Marie Joseph Paul Artaud, à Marseille (Bouches-du-Rhône), le 4 septembre 1896 et mort à Ivry-sur-Seine le 4 mars 1948, est un poète, acteur et théoricien du théâtre français. Inventeur du concept du « théâtre de la cruauté » dans « Le Théâtre et son Double », Artaud aura... [Lire la suite]

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