Le mystère des trois cors
Un cor dans la plaine
Souffle à perdre haleine,
Un autre, du fond des bois,
Lui répond;
L’un chante ton-taine
Aux forêts prochaines,
Et l’autre ton-ton
Aux échos des monts.Celui de la plaine
Sent gonfler ses veines,
Ses veines du front;
Celui du bocage,
En vérité, ménage
Ses jolis poumons.- Où donc tu te caches,
Mon beau cor de chasse?
Que tu es méchant!-Je cherche ma belle,
Là-bas, qui m’appelle
Pour voir le Soleil couchant.- Taïaut! Taïaut! Je t’aime!
Hallali! Roncevaux!- Etre aimé est bien doux;
Mais, le Soleil qui se meurt, avant tout!Le Soleil dépose sa pontificale étole,
Lâche les écluses du Grand-Collecteur
En mille Pactoles
Que les plus artistes
De nos liquoristes
Attisent de cent fioles de vitriol oriental !…
Le sanglant étang, aussitôt s’étend, aussitôt s’étale,
Noyant les cavales du quadrige
Qui se cabre, et qui patauge, et puis se fige
Dans ces déluges de bengale et d’alcool!…Mais les durs sables et les cendres de l’horizon
Ont vite bu tout cet étalage des poisons.Ton-ton ton-taine, les gloires !….
Et les cors consternés
Se retrouvent nez à nez;
Ils sont trois; .
Le vent se lève, il commence à faire froid.Ton-ton ton-taine, les gloires!…
- « Bras-dessus, bras-dessous,
« Avant de rentrer chacun chez nous,
« Si nous allions boire
« Un coup ? »Pauvres cors! pauvres cors!
Comme ils dirent cela avec un rire amer!
(Je les entends encor).Le lendemain, l’hôtesse du Grand-Saint-Hubert
Les trouva tous trois morts.On fut quérir les autorités
De la localité,Qui dressèrent procès-verbal
De ce mystère très-immoral.
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Jules LAFORGUE
Jules Laforgue, né à Montevideo le 16 août 1860 et mort à Paris le 20 août 1887, est un poète du mouvement décadent français. Né dans une famille qui avait émigré en espérant faire fortune, il est le deuxième de onze enfants. À l’âge de dix ans, il est envoyé en France, dans la ville de Tarbes d’où est originaire... [Lire la suite]
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À cor et à cri
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Un cor au fin fond des montagnes
Dit la mort de Roland ;
Lui répondit, dans la campagne,
Un autre cor, plus lent.
-- Te moques-tu de ma souffrance,
Vieux cor de paysan ?
-- Non, je suis un berger de France,
Un homme peu causant ;
Je veux juste apaiser ton âme,
Soldat de l'empereur :
Elle n'ira point dans les flammes
Dont tu as la terreur.
-- Comment sais-tu pareille chose,
Paysan du terroir ?
Entends-tu le démon qui cause,
As-tu un noir miroir ?
-- Comte Roland, seigneur des plaines,
Tu es un innocent ;
Elle n'est point, l'eau des fontaines,
Plus pure que ton sang.