Le Musicien
C’était un grand vieillard à chevelure blanche.
Il portait haut son front, neigeux comme les fleurs
D’avril; et, plus profonds que ceux des oiseleurs,
Ses yeux pensifs étaient du bleu de la pervenche.Sur un violon jaune où sa tête se penche,
Il improvisait, fier, défiant ses douleurs,
Beau de l’émotion qui ruisselait en pleurs
De son archet tremblant, comme l’eau d’une branche.Tel par ce rude hiver, pâle de froid, transi,
Sur la corde sonore où frémissait ainsi
Tout ce qu’en gémissant notre espérance nomme,Disant les vains efforts, la soif du beau, l’amour,
Et toute la bataille effroyable de l’homme,
Il chantait. –Le portier l’a chassé de la cour.Juin 1868.
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Théodore de BANVILLE
Etienne Jean Baptiste Claude Théodore Faullain de Banville, né le 14 mars 1823 à Moulins (Allier) et mort le 13 mars 1891 à Paris, est un poète, dramaturge et critique français. Célèbre pour les « Odes funambulesques » et « les Exilés », il est surnommé « le poète du... [Lire la suite]
Arbre-Étoile
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Son coeur est traversé par sa ramure blanche ;
Il porte rarement sa parure de fleurs
Et jamais il n'a vu l'ombre d'un oiseleur ;
On trouve, auprès de lui, des bouquets de pervenches.
Sous la brise d'hiver, certains jours, il se penche,
Mais son corps vigoureux ne sent pas la douleur,
Ignorant la tristesse, et le rire, et les pleurs,
L'arbre, pendant l'été, s'évente de ses branches.
Il admire l'automne, et le printemps aussi,
Car, depuis fort longtemps, son humeur est ainsi,
Il ne sait où il vit, ni comment il se nomme.
Une oiselle, parfois, vient lui faire la cour,
Mais je ne dirai rien de ce roman d'amour,
Trop beau pour mes écrits, trop subtil pour un homme.
Partition florale
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Une fleur de septembre a mis sa robe blanche ;
Elle fut désirée, entre toutes les fleurs,
Par les bardes errants et par les oiseleurs,
Plus que la rose noble ou la douce pervenche.
Un jour, un musicien sur cette fleur se penche
Pour composer un chant d'amour et de douleur,
De rire et de souci, d'allégresse et de pleurs.
Le vent, pendant ce temps, chantonne dans les branches
La fleur aime danser, le musicien aussi,
On ne sait pas pourquoi leur humeur est ainsi,
j'entends dire chez moi que rêveurs on les nomme.
D'autres préféreront les airs de basse-cour,
Qui ne penseront rien de ce roman d'amour
Et s'en trouveront bien : car ce sont de vrais hommes.