Poème 'Le mort joyeux' de Charles BAUDELAIRE dans 'Les Fleurs du Mal'

Le mort joyeux

Charles BAUDELAIRE
Recueil : "Les Fleurs du Mal"

Dans une terre grasse et pleine d’escargots
Je veux creuser moi-même une fosse profonde,
Où je puisse à loisir étaler mes vieux os
Et dormir dans l’oubli comme un requin dans l’onde,

Je hais les testaments et je hais les tombeaux ;
Plutôt que d’implorer une larme du monde,
Vivant, j’aimerais mieux inviter les corbeaux
A saigner tous les bouts de ma carcasse immonde.

Ô vers ! noirs compagnons sans oreille et sans yeux,
Voyez venir à vous un mort libre et joyeux ;
Philosophes viveurs, fils de la pourriture,

A travers ma ruine allez donc sans remords,
Et dites-moi s’il est encor quelque torture
Pour ce vieux corps sans âme et mort parmi les morts !

Poème préféré des membres

guillaumePrevel et ecnaida ont ajouté ce poème parmi leurs favoris.

Commentaires

  1. Une admirable mise en musique de ce poème a été faite par Peste Noire : http://www.youtube.com/watch?v=oMTLSd2iRA8.

    Il a également adapté Spleen, ainsi que des oeuvres de Verlaine et Christine de Pisan ! A écouter absolument si vos goûts musicaux sont suffisament éclectiques (tac). ;)

  2. Merci beaucoup pour ce lien !

  3. Sire loup-coq
    ----------

    Le loup-coq, semble-t-il, se nourrit d’escargots,
    Et s’il n’en trouve aucun, que sa peine est profonde !
    Les plus gras sont cachés derrière les fagots,
    C’est, dit Pline l’Ancien, en ce lieu qu’ils abondent.

    Le loup-coq entreprend de bâtir son tombeau
    Qu’orneront, par milliers, des coquilles bien rondes,
    Les siennes, tout d’abord, puis celles des corbeaux
    Qui, pleins de bienveillance, à ses désirs répondent.

    Quand, sur ce monument, les freux ouvrent les yeux ,
    Ils ont un grand respect pour la beauté des lieux
    Dignes du fier loup-coq à la haute stature.

    Lui ne s’empresse point de rejoindre les morts,
    À tous ses compagnons, il survit sans remords,
    Vivre, plus que mourir, étant dans sa nature.

  4. Léopard nonchalant
    -------------------

    C’est un vieux léopard, ce n’est pas un nigaud,
    Jamais il ne se perd en des pensées profondes ;
    Il s’offre quelquefois des tranches de gigot
    Avec un peu de vin qu’il propose à la ronde.

    Un sculpteur d’Italie veut orner son tombeau
    D’une belle statue de Sainte Cunégonde ;
    Mais lui préférerait le portrait d’un corbeau
    Ou bien, à la rigueur, d’une vestale blonde.

    Le cimetière est calme et serein sous les cieux,
    Béni chaque matin par un homme de Dieu,
    Un vénérable moine à la haute stature.

    Il veut faire la fête avant que d’être mort,
    Vider une bouteille et blaguer sans remords ;
    Telle est, du léopard, l’innocente nature.

  5. Camarade loup des steppes
    -----------

    C’est mon copain le loup, c’est mon alter ego,
    Et c’est mon maître aussi de sagesse profonde ;
    Nous buvons du bon vin, partageant un gigot,
    Un plateau près de nous, où le fromage abonde.

    Puisqu’aucun de nous deux n’est proche du tombeau,
    Nous voulons savourer les plaisirs de ce monde ;
    Parfois nous invitons mon voisin le corbeau
    Ainsi que, le dimanche, une odalisque blonde.

    Nous sommes deux buveurs, à la face des cieux,
    L’exemple en fut donné par Jésus, fils de Dieu,
    Et aux siècles suivants par d’autres créatures.

  6. Camarade (suite et fin)
    -------------------------

    Baudelaire a décrit l’allégresse d’un mort,
    Mais dès qu’il eut signé, il en eut le remords ;
    Il comprit que c’était offenser la nature.

  7. L'enfant et l'escargot

    Un gosse de Gascogne ausculte un escargot
    Fraichement extirpé d’une sieste profonde,
    L’ange palpe son pied à la recherche d’os,
    Mais le lent voyageur sent de mauvaises ondes.

    Comme il craint que les doigts le conduise au tombeau,
    L’animal se replie bien au creux de son monde,
    Il s’y croit à l’abri, y compris des corbeaux
    Qui parfois le menace avec leur bec immonde.

    Mais l’enfant le fracasse et arrache les yeux
    De sa proie éventrée, avec un air joyeux,
    Puis, vif, l’offre à une oie, en mal de nourriture.

    Il lui est moins aisé de tuer le remord
    Qui l’assaille la nuit suivant cette torture,
    D’autant qu’à son issue un innocent est mort !

    misquette.wordpress.com

  8. L'enfant et l'escargot (Corrigé)

    Un gosse de Gascogne ausculte un escargot
    Fraichement extirpé d’une sieste profonde,
    L’ange palpe son pied à la recherche d’os,
    Mais le lent voyageur sent de mauvaises ondes.

    Comme il craint que les doigts le conduise au tombeau,
    L’animal se tapit bien au creux de son monde,
    Il s’y croit à l’abri, y compris des corbeaux
    Qui parfois le menace avec leur bec immonde.

    Mais l’enfant le fracasse et arrache les yeux
    De sa proie éventrée, avec un air joyeux,
    Puis, vif, l’offre à une oie, en mal de nourriture.

    Il lui est moins aisé de tuer le remord
    Qui l’assaille la nuit suivant cette torture,
    D’autant qu’à son issue un innocent est mort !

  9. Empereur de sinople
    -----------

    Te souviens-tu de lui, tavernière Margot ?
    Ce fut un jeune prince aux ivresses profondes ;
    Maintenant, les buveurs ne sont plus ses égaux,
    Lui qui reçut pour fief une moitié du monde.

    Quant à son noble père, il fut mis au tombeau
    Où déjà reposait la reine Cunégonde ;
    Ce nouvel empereur a repris le flambeau,
    Sur ses fières vertus, de grands espoirs se fondent.

    Je crois qu’il va souvent boire sous d’autres cieux ;
    S’il consommait chez toi, cela te plairait mieux,
    Mais le voilà séduit par d’autres créatures.

    Dans la taverne règne un silence de mort,
    Que son meilleur client déserta sans remords ;
    Le patron, même, voit venir la fermeture.

  10. Noblesse du requin
    -----------

    Je ne fréquente plus la route des cargos,
    Je préfère de loin la paix des eaux profondes ;
    Les calamars géants sont presque mes égaux,
    Eux qui ont la beauté des anges d’inframonde.

    D’innombrables noyés ces lieux sont le tombeau,
    Leurs corps sont grignotés par des larves immondes ;
    Ils changent de couleur, il perdent des lambeaux,
    Les crabes croque-morts dans leurs entrailles pondent.

    Je suis de ceux qui fuient la lumière des cieux,
    Car l’obscure clarté des grands fonds me plaît mieux ;
    Cet environnement convient à ma nature.

    Rien n’égale, pour moi, le goût d’un oiseau mort,
    Pas même la saveur d’un vieux pêcheur d’Armor,
    Pas même des morceaux de sirène immature.

Rédiger un commentaire

© 2024 Un Jour Un Poème - Tous droits réservés
UnJourUnPoeme sur Facebook UnJourUnPoeme sur Twitter RSS