Le Masque
La couronne formidable des rois
En s’appuyant de tout son poids
Sur ce masque de cire
Semblait broyer et mutiler
L’empire.Le pâle émail des yeux usés
S’était fendu en agonies
Minuscules, mais infinies,
Sous les sourcils décomposés.Le front avait été l’éclair,
Avant que les pâles années
N’eussent rivé les destinées,
Sur ce bloc mort de morne chair.Les crins encore étaient ardents,
Mais la colossale mâchoire,
Mi-ouverte, laissait la gloire
Tomber morte d’entre les dents.Depuis des temps qu’on ne sait pas,
La couronne, violemment cruelle,
De sa poussée indiscontinuelle
Ployait le chef toujours plus las.Les astuces, les perfidies
Louchaient en ses joyaux taillés,
Et les meurtres, les sangs, les incendies
Semblaient reluire entre ses ors caillés.Elle écrasait et abattait
Ce qui jadis était la gloire :
Ce front géant qui la portait
Et la dardait vers les victoires
Si bien qu’ainsi s’accomplissait, sans bruit,
L’oeuvre d’une force qui se détruit,
Obstinément, soi-même,
Et finit par se définir
Pour l’avenir
Dans un emblème.Couronne et tête étaient placées,
Couronne ardente et tête autoritaire,
En un logis de verre,
Au fond d’un hall, dans un musée.
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Émile VERHAEREN
Émile Adolphe Gustave Verhaeren, né à Saint-Amand dans la province d’Anvers, Belgique, le 21 mai 1855 et mort à Rouen le 27 novembre 1916, est un poète belge flamand, d’expression française. Dans ses poèmes influencés par le symbolisme, où il pratique le vers libre, sa conscience sociale lui fait évoquer les grandes villes... [Lire la suite]
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Confession d’un masque
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Je ne me trouve pas digne de ceux que j’aime,
Moi qui veux cependant rester dans leur regard ;
De me dissimuler je veux ignorer l’art,
Je veux me dévoiler au long de mes poèmes.
Il faut que tout soit clair et que je sois moi-même,
Cependant, suis-je prêt pour ce nouveau départ ?
Comment pourrais-je donc savoir s’il est trop tard ?
Je n’aime pas traiter ce genre de problèmes.
Peut-être qu’illusoire est toute vérité,
Il serait alors vain de chercher la lumière ;
Ainsi chante mon coeur, tel le coq de Saint Pierre.
Cet apôtre lui-même a lourdement fauté,
Ayant de son chemin négligé cette ornière ;
Et ces causes d’erreur, comment les éviter ?