Le Lion de l’Atlas
Dans l’Atlas, – je ne sais si cette histoire est vraie, -
Il existe, dit-on, de vastes blocs de craie,
Mornes escarptemens par le soleil brûlés ;
Sur leurs flancs, les ravins font des pus de suaire ;
A leur base s’étend un immense ossuaire
De carcasses à jour et de crânes pelés ;Car le lion rusé, pour attirer le pâtre,
Le Kabyle perdu dans ce désert de plâtre,
Contre le roc blafard frotte son mufle roux.
Fauve comédien, il farde sa crinière,
Et, s’inondant à flots de la pâle poussière,
Se revêt de blancheur ainsi que d’un bournous!Puis, au bord du chemin, il rampe, il se lamente,
Et de ses crins menteurs fait ondoyer la mante,
Comme un homme blessé qui demande secours.
Croyant voir un mourant se tordre sur la roche,
A pas précipités, le voyageur s’approche
Du monstre travesti qui hurle et geint toujours.Quand il est assez près, la main se change en griffe,
Un long rugissement suit la plainte apocryphe,
Et vingt crocs dans ses chairs enfoncent leurs poignards.
- N’as-tu pas honte, Atlas, montagne aux nobles cimes,
De voir tes grands lions, jadis si magnanimes,
Descendre maintenant à des tours de renards ?
Poème préféré des membres
Aucun membre n'a ajouté ce poème parmi ses favoris.
Commentaires
Rédiger un commentaire
Théophile GAUTIER
Pierre Jules Théophile Gautier est un poète, romancier, peintre et critique d’art français, né à Tarbes le 30 août 1811 et mort à Neuilly-sur-Seine le 23 octobre 1872 à 61 ans. Né à Tarbes le 30 août 1811, le tout jeune Théophile garde longtemps « le souvenir des montagnes bleues ». Il a trois ans lorsque sa famille... [Lire la suite]
- J'ai laissé de mon sein de neige
- À Claudius Popelin (Sonnet II)
- Les Deux Âges
- La Mort dans la vie - Chapitre 5
- Albertus, 13 - CXXI à CXXII
- Montée sur le Brocken
- Oui, Forster, j'admirais ton oreille...
- En allant à la Chartreuse de Miraflorès
- La Mort dans la vie - Chapitre 8
- Vous ne connaissez pas les molles...
Lion féru d"élégance
-------
Il possède un miroir (consulté fréquemment),
Il aime le portrait qu’il voit dans cette glace ;
Modeste est son logis, ce n’est pas un palace,
Mais je crois qu’il s’y trouve à l’abri des tourments.
Il goûta de la vie le sucre et le piment,
Le chant du rossignol et le cri du rapace ;
Il ne voyage plus par les libres espaces,
Il ne s’enflamme plus au nom d’un sentiment.
Son corps est amoindri par le poids des années,
Mais il n’est point privé d’extases spontanées,
Il lui est arrivé d’en parler devant moi.
De le voir si coquet parfois des gens s’étonnent,
Il n’y voit nul motif de se mettre en émoi ;
Serein fut son printemps, paisible est son automne.