Le Lièvre et la Tortue
Rien ne sert de courir ; il faut partir à point.
Le Lièvre et la Tortue en sont un témoignage.
Gageons, dit celle-ci, que vous n’atteindrez point
Sitôt que moi ce but. – Sitôt ? Etes-vous sage ?
Repartit l’animal léger.
Ma commère, il vous faut purger
Avec quatre grains d’ellébore.
- Sage ou non, je parie encore.
Ainsi fut fait : et de tous deux
On mit près du but les enjeux :
Savoir quoi, ce n’est pas l’affaire,
Ni de quel juge l’on convint.
Notre Lièvre n’avait que quatre pas à faire ;
J’entends de ceux qu’il fait lorsque prêt d’être atteint
Il s’éloigne des chiens, les renvoie aux Calendes,
Et leur fait arpenter les landes.
Ayant, dis-je, du temps de reste pour brouter,
Pour dormir, et pour écouter
D’où vient le vent, il laisse la Tortue
Aller son train de Sénateur.
Elle part, elle s’évertue ;
Elle se hâte avec lenteur.
Lui cependant méprise une telle victoire,
Tient la gageure à peu de gloire,
Croit qu’il y va de son honneur
De partir tard. Il broute, il se repose,
Il s’amuse à toute autre chose
Qu’à la gageure. A la fin quand il vit
Que l’autre touchait presque au bout de la carrière,
Il partit comme un trait ; mais les élans qu’il fit
Furent vains : la Tortue arriva la première.
Eh bien ! lui cria-t-elle, avais-je pas raison ?
De quoi vous sert votre vitesse ?
Moi, l’emporter ! et que serait-ce
Si vous portiez une maison ?
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Compère lévrier, camarade tatou,
De quelle vérité portez-vous témoignage ?
L’un de vous est fort vif, tel est son apanage,
Mais l’autre a sûrement d’aussi puissants atouts.
*
Vous étiez l’autre jour, du côté de Chatou,
Sur un bel hippodrome aux élégants virages.
Lévrier, je t’ai vu explorer les parages,
Allant jusqu’à flairer la piste d’un matou.
*
Jacques Perry-Salkow, tout en vous observant,
Les lettres de vos noms s’en allait permutant ;
C’est un hobby auquel, souvent, il s’évertue.
*
«Le lévrier», dit-il, et «le tatou», ces mots
Vont pouvoir engendrer deux autres animaux
Que nous connaissons bien : le lièvre et la tortue.
Pour jouir des vertus qu’on prête à la revanche, notre lièvre convie dame tortue à la deuxième manche.
― Mais pourquoi t’obstiner à porter à dos ton cercueil ? lui lança-t-il au seuil du départ, alors que la fraîcheur de ton teint n’en justifie pas l’usage avant longtemps ! Crains-tu donc à ce point quelque issue funeste à chacun de tes pas ? Laisse-là ce fardeau à qui goûte au trépas. Ton allure, vois-tu, n’en sera que plus vive ! ( et surtout me fera moins t’attendre au but...)
― Vous m’attendez déjà, vous qui n’avez pourtant que votre langue à porter ? lui répond-elle à mi-parcours, l’ayant rejoint au fleuve à franchir, le bac étant en grève et la grève... illimitée.
Celui qu’on n’a pas fait nageur voit l’autre arriver seule au but, et, fort patiente l’attendre encore.
Voir aussi
https://paysdepoesie.wordpress.com/2013/08/11/le-levrier-et-le-tatou/
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