Poème 'Le lecteur' de ATOS

Il lisait tout et n’importe quoi.
Les lettres sur les toits,
Les mots en diagonal
Les menus chez le chinois,
Les pierres tombales,
Les romans photos,
Le plan du métro.
Il récitait tout dans sa tête:
L’ horaire du tortillard
La liste des choses qu’il n’aimait pas,
Les mots croisés et tout emmêles,
L’almanach du jardinier,
Et les nouvelles du soir.
Il lisait tout et de travers.
Mais ce qu’il aimait par dessus tout,
C’était les mots qu’il n’attendait pas,
Ceux qu’il ne comprenait pas.
Il les rêvait,
Leur inventait des histoires
A lire allongé dans les prés.
Avec celui ci?
Il traversait l’océan,
Avec cet autre?
Le jour se levait déjà.
Et avec celui là?
Il s’endormait dans ses bras.
Il lisait tout et n’importe quoi
Rien n’aurait pu l’arrêter.
Et tous ce mots étaient pour lui
Comme un chapelet de prières.
Il lui fallait ce bruit dans sa tête.
Parce que dehors il faisait froid.
Parce on parlait toujours tout droit,
Mais, lui, il ne comprenait pas.
Alors pour ne pas se perdre
Pour être certain de rêver,
Il lisait.
Il lisait tout et n’importe quoi.
C’était comme ça.
C’était une sale manie qu’il avait ramassée
Comme on attrape la feuille d’un journal
Qui s’enfuit au bord du canal.
Mais quelques fois…
Lorsque les mots venaient à lui manquer
Il se mettait à rêver à toutes ces lettres…
Ces lettres qu’il ne recevrait jamais.
Alors pour ne plus y penser,
Et ne plus s’écorcher
Il reprenait les mots.
Comme on reprend sa route
en se jurant: « Peu m’importe l’endroit! ».
Lire tout et n’importe quoi.
C’était comme ça,
C’était sa vie.
C’était écrit.