Le laboureur
Le semoir, la charrue, un joug, des socs luisants,
La herse, l’aiguillon et la faulx acérée
Qui fauchait en un jour les épis d’une airée,
Et la fourche qui tend la gerbe aux paysans ;Ces outils familiers, aujourd’hui trop pesants,
Le vieux Parmis les voue à l’immortelle Rhée
Par qui le germe éclôt sous la terre sacrée.
Pour lui, sa tâche est faite ; il a quatre-vingts ans.Prés d’un siècle, au soleil, sans en être plus riche,
Il a poussé le coutre au travers de la friche ;
Ayant vécu sans joie, il vieillit sans remords.Mais il est las d’avoir tant peiné sur la glèbe
Et songe que peut-être il faudra, chez les morts,
Labourer des champs d’ombre arrosés par l’Érèbe.
Poème préféré des membres
Aucun membre n'a ajouté ce poème parmi ses favoris.
Commentaires
Rédiger un commentaire
José-Maria de HEREDIA
José-Maria de Heredia (né José María de Heredia Girard 1842-1905) est un homme de lettres d’origine cubaine, naturalisé français en 1893. En tant que poète, c’est un des maîtres du mouvement parnassien, véritable joaillier du vers. Son œuvre poétique est constituée d’un unique recueil, « Les... [Lire la suite]
Nuit des Montagnes de l’Est
----------------------------------
L’âme des mandarins devenus vers luisants
Ne souffre point, la nuit, de la bise acérée ;
Ils disent simplement « La sylve est aérée,
Nous n’y rencontrerons guère de paysans»,
Heureux d’avoir quitté leurs costumes pesants,
Ils progressent parmi les friches éthérées,
Heureux d’abandonner leurs lectures sacrées,
N’étant plus accablés de la charge des ans.
Car, chez les vers luisants, nul n’est pauvre, ni riche ;
Sur ses contributions, aucun d’entre eux ne triche,
Ni de malversations n’éprouve le remords.
Marchant avec lenteur, ils éclairent la glèbe,
Ne craignant qu’une chose : et si, après leur mort,
Ils allaient s’incarner en humains de la plèbe ?
Lardonfucius
---------------
Il marche dans les bois, des poèmes disant ;
Mais il commet aussi de la prose acérée.
Le typographe en fait des pages aérées
Que lisent en hiver les sages paysans.
C’est un cochon massif, mais il n’est point pesant,
Il progresse parmi les phrases éthérées,
Ne dédaignant jamais les lectures sacrées,
Mais il est accablé de la charge des ans.
Il ne fut jamais pauvre, il ne fut jamais riche ;
Son jardin d’agrément n’est qu’une inculte friche,
Et dans ses souvenirs, ni regrets, ni remords.
Marchant avec lenteur, il explore la glèbe,
Elle qui vivifie le grain qui semblait mort
Et fournit l’aliment de la modeste plèbe.