Le hasard et les jours passent d’un pied rapide
Le hasard et les jours passent d’un pied rapide,
On ne sait ce qui vient ni ce qui va cesser;
La place où bat mon cœur peut soudain être aride,
La chance est brève, hélas! et tu n’es pas pressé !Et tu ne te dis pas, sous les cieux monotones
Où tout est triste, amer, médiocre, décevant:
« J’irai vers cette femme en ce matin d’automne,
« J’aborderai ces yeux plus larges que le vent !« j’aborderai ce cœur qui n’a pas eu la crainte
« De confier ses vœux, ses plaintes et ses pleurs.
« Visage démuni sans réserve et sans feinte,
« Où le trop vif amour insinuait sa peur !« Puisqu’elle m’a tout dit, bien qu’étant grave et fière,
« Je pourrai demeurer simple et silencieux;
« Et faire un don naïf, à cette âme plénière,
« Des secrètes beautés qu’elle voit dans mes yeux;« Je la devine bien, et je n’ai pas eu même
« À chercher quel était son épuisant souci:
« Sa voix m’a tristement annoncé qu’elle m’aime,
« Comme on dit que l’on meurt et que c’est bien ainsi !« Jamais le cœur puissant qui pâlit son visage
« N’a tenté de goûter sur le mien son repos;
« M’aimant, elle s’éloigne, et son front net et sage
« Renferme le courage isolé des héros !« Puissante et délicate, usant de tendre ruse,
« Elle va sans faiblir vers un but périlleux;
« Malgré son pas joyeux, jamais rien ne l’amuse
« Que le tragique espoir que l’on a d’être heureux! »
— Non tu ne te dis pas : j’allégerai sa peine,
Je ne laisserai pas languir ce cœur de feu,
J’apporterai le lot de ma tendresse humaine
À ce doux corps surpris de ne pas être deux.Non tu ne te dis pas : que puis-je craindre, en somme,
Puisque rien ne me nuit en son plaintif désir ?
Cette compagne insigne et songeuse des hommes,
Serai-je la seule âme à ne pas l’accueillir ?
Sur le globe sans joie où deux races existent,
Celle des morts, hélas ! et celle des vivants,
As-tu vraiment voulu rendre toujours plus triste
Le cœur le plus rêveur et le moins décevant ?Viens, parfum ! viens, chaleur ! azur ! air ! nourriture !
Amour, répands sur moi l’unique illusion,
Puisque l’indifférente et moqueuse Nature
Protège les humains pendant la passion !
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Anna de NOAILLES
La comtesse Anna-Élisabeth de Noailles, née princesse Bibesco Bassaraba de Brancovan, est une poétesse et romancière française, d’origine roumaine, née à Paris le 15 novembre 1876 et morte à Paris le 30 avril 1933. Née à Paris, descendante des familles de boyards Bibescu et Craioveşti de Roumanie, elle est la fille du... [Lire la suite]
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- Le Cœur (2)
- Le Temps de vivre (2)
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- Que crains-tu ? L'excès ? l'abondance (2)
- Pourquoi ce besoin fort et triste (2)
- On est bon si l'on est tranquille (2)
Le Seigneur d'Arcturus
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Le Seigneur d'Arcturus a l'esprit fort rapide.
Sa dynastie est vieille, et n'a jamais cessé
De changer en jardins les savanes arides,
À retourner le sol, le peuple est empressé.
Les vergers étendus sous les cieux monotones,
Porteurs des plus beaux fruits, n'ont rien de décevant,
C'est un très grand plaisir de les voir à l'automne,
Quand les branches chargées ondulent sous le vent !
Les sujets du seigneur n'en ont jamais la crainte,
Du blason d'Arcturus ils aiment les couleurs.
Gouvernant généreux, sans réserve et sans feinte,
Suivre son étendard est la voie vers l'honneur.
Merci Cochonfucius pour ce magnifique poème d'Anna de Noailles, si proche et si lointaine et merci pour tes beaux jardins, pour toutes leurs couleurs.