Le Gel
Sous le fuligineux étain d’un ciel d’hiver,
Le froid gerce le sol des plaines assoupies,
La neige adhère aux flancs râpés d’un talus vert
Et par le vide entier grincent des vols de pies.Avec leurs fins rameaux en serres de harpies,
De noirs taillis méchants s’acharnent à griffer,
Un tas de feuilles d’or pourrissent en charpies ;
On s’imagine entendre au loin casser du fer.C’est l’infini du gel cruel, il incarcère
Notre âme en un étau géant qui se resserre,
Tandis qu’avec un dur et sec et faux accordUne cloche de bourg voisin dit sa complainte,
Martèle obstinément l’âpre silence – et tinte
Que, dans le soir, là-bas, on met en terre un mort.
Poème préféré des membres
Aucun membre n'a ajouté ce poème parmi ses favoris.
Commentaires
Rédiger un commentaire
Émile VERHAEREN
Émile Adolphe Gustave Verhaeren, né à Saint-Amand dans la province d’Anvers, Belgique, le 21 mai 1855 et mort à Rouen le 27 novembre 1916, est un poète belge flamand, d’expression française. Dans ses poèmes influencés par le symbolisme, où il pratique le vers libre, sa conscience sociale lui fait évoquer les grandes villes... [Lire la suite]
- J'ai cru à tout jamais notre joie engourdie
- Les Meules qui Brûlent
- Les Vêpres
- Sois-nous propice et consolante encor...
- Si d'autres fleurs décorent la maison
- La glycine est fanée et morte est...
- L'Ombre est Lustrale et l'Aurore Irisée
- S'il était vrai
- Le clair jardin c'est la santé
- Les Saints, les Morts, les Arbres et le Vent
Désert blanc
----------------
La roche a disparu sous la glace, en hiver ;
Dans ce coin de forêt, la vie est assoupie.
Rien de plus blanc, ce jour, que le pré jadis vert,
Rien de plus désolant que le cri de la pie.
Les habitants du lieu la traitent de harpie ;
En entendant ce nom, son coeur n'est pas amer,
Tu pourrais aussi bien la dénommer chipie
Sans pour cela blesser son âme ni sa chair.
Le sentier forestier voit passer Piaf-Tonnerre
Que son plumage épais garde du froid polaire ;
Il a le coeur paisible, il marche sans effort.
D'empereur et licorne il chante la complainte
Qu'au loin semble reprendre un carillon qui tinte
Au clocher dont le bulbe est paré de vieil or.