Poème 'Le Gel' de Émile VERHAEREN dans 'Les Bords de la Route'

Le Gel

Émile VERHAEREN
Recueil : "Les Bords de la Route"

Sous le fuligineux étain d’un ciel d’hiver,
Le froid gerce le sol des plaines assoupies,
La neige adhère aux flancs râpés d’un talus vert
Et par le vide entier grincent des vols de pies.

Avec leurs fins rameaux en serres de harpies,
De noirs taillis méchants s’acharnent à griffer,
Un tas de feuilles d’or pourrissent en charpies ;
On s’imagine entendre au loin casser du fer.

C’est l’infini du gel cruel, il incarcère
Notre âme en un étau géant qui se resserre,
Tandis qu’avec un dur et sec et faux accord

Une cloche de bourg voisin dit sa complainte,
Martèle obstinément l’âpre silence – et tinte
Que, dans le soir, là-bas, on met en terre un mort.

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Commentaires

  1. Désert blanc
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    La roche a disparu sous la glace, en hiver ;
    Dans ce coin de forêt, la vie est assoupie.
    Rien de plus blanc, ce jour, que le pré jadis vert,
    Rien de plus désolant que le cri de la pie.

    Les habitants du lieu la traitent de harpie ;
    En entendant ce nom, son coeur n'est pas amer,
    Tu pourrais aussi bien la dénommer chipie
    Sans pour cela blesser son âme ni sa chair.

    Le sentier forestier voit passer Piaf-Tonnerre
    Que son plumage épais garde du froid polaire ;
    Il a le coeur paisible, il marche sans effort.

    D'empereur et licorne il chante la complainte
    Qu'au loin semble reprendre un carillon qui tinte
    Au clocher dont le bulbe est paré de vieil or.

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