Le fou
La lune peignait ses cheveux avec un démêloir d’ébène
qui argentait d’une pluie de vers luisants les collines,
les prés et les bois.Scarbo, gnome dont les trésors foisonnent, vannait sur
mon toit, au cri de la girouette, ducats et florins qui
sautaient en cadence, les pièces fausses jonchant la rue.Comme ricana le fou qui vague, chaque nuit, par la cité
déserte, un oeil à la lune et l’autre – crevé !- « Foin de la lune ! grommela-t-il, ramassant les jetons
du diable, j’achèterai le pilori pour m’y chauffer au
soleil ! »Mais c’était toujours la lune, la lune qui se couchait. -
Et Scarbo monnoyait sourdement dans ma cave ducats et
florins à coups de balancier.Tandis que, les deux cornes en avant, un limaçon qu’avait
égaré la nuit, cherchait sa route sur mes vitraux lumineux.
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Aloysius BERTRAND
Louis Jacques Napoléon Bertrand, dit Aloysius Bertrand est un poète, dramaturge et journaliste français, né le 20 avril 1807 à Ceva (Piémont), mort le 29 avril 1841, à dix heures du matin, à l’hôpital Necker de Paris. Considéré comme l’inventeur du poème en prose, il est notamment l’auteur d’une œuvre... [Lire la suite]
La lune en haut du ciel peigne sa chevelure :
L’espace est inondé de cent reflets d’argent.
Le gnome sur le toit vanne l’or trébuchant
Et la fausse monnaie tombe comme épluchures.
« Foin de la lune » a dit le fou dans un murmure,
Puis il a récolté les jetons affligeants
(On est moins délicat lorsqu’on est indigent),
Espérant acquérir remède à la froidure.
La lune en se couchant évoque un froid soleil ;
Le gnome trie l’argent dans un demi-sommeil,
Sa balance de cuivre aux bougies s’illumine.
L’on peut même observer, sur un vitrail qui luit,
Un être vagabond égaré par la nuit :
Au coeur du labyrinthe, un escargot chemine.