Poème 'Le dormeur' de Rainer Maria RILKE dans 'Tendres impôts à la France'

Le dormeur

Rainer Maria RILKE
Recueil : "Tendres impôts à la France"

Laissez-moi dormir, encore… C’est la trêve
pendant de longs combats promise au dormeur ;
je guette dans mon coeur la lune qui se lève,
bientôt il ne fera plus si sombre dans mon coeur.

Ô mort provisoire, douceur qui nous achève,
mesure de mes cimes, très juste profondeur,
limbes de tout mon sang, et innocence des sèves,
dans toi, à sa racine, ma peur même n’est pas peur.

Mon doux seigneur Sommeil, ne faites pas que je rêve,
et mêlez en moi mes ris avec mes pleurs ;
laissez-moi diffus, pour que l’interne Ève
ne sorte de mon flanc en son hostile ardeur.

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Commentaires

  1. Que nul ne soit contraint à combattre sans trêve,
    Maint travail se prépare au souffle du dormeur ;
    Et s'il ne perçoit pas ce qui, en lui, se lève,
    Au moment opportun il l'aura dans son coeur.
    * * *
    Laissez-le s'incliner dans son temps qui s'achève,
    Laissez-le découvrir une autre profondeur.
    Puisqu'il n'a plus en lui de de la froide sève,
    Épargnez-lui l'effort, épargnez-lui la peur.
    * * *
    Peut-être cette vie n'est-elle aussi qu'un rêve
    Et que de faux objets alimentent nos pleurs.
    Peut-être, ni Adam, ni le serpent, ni Ève
    N'ont encore animé l'Eden de leurs ardeurs.

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