Le deuil des Névons
Un pas de jeune fille A caressé l’allée, A traversé la grille.
Dans le parc des Névons Les sauterelles dorment. Gelée blanche et grêlons Introduisent l’automne…
La fenêtre et le parc, Le platane et le toit Lançaient charges d’abeilles, Du pollen au rayon, De l’essaim à la fleur…
Quand le lit se fermait Sur tout mon corps fourbu, De beaux yeux s’en allaient De l’ouvrage vers moi.
L’aiguille scintillait ; Et je sentais le fil Dans le trésor des doigts Qui brodaient la batiste.
Ah ! lointain est cet âge…
Le bien qu’on se partage, Volonté d’un défunt, A broyé et détruit La pelouse et les arbres, La paresse endormie, L’espace ténébreux De mon parc des Névons.
Puiqu’il faut renoncer A ce qu’on ne peut retenir, Qui devient autre chose Contre ou avec le coeur, – L’oublier rondement,
Puis battre les buissons Pour chercher sans trouver Ce qui nous doit guérir De nos maux inconnus Que nous portons partout.
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René CHAR
René Char est un poète et résistant français né le 14 juin 1907 à L’Isle-sur-la-Sorgue et décédé à Paris le 19 février 1988. René Émile Char, né en 1907, est le cadet des quatre enfants issus des secondes noces d’Émile Char et de Marie-Thérèse Rouget, sœur de sa première épouse, Julia Rouget, décédée en... [Lire la suite]
Magnifique poème fort subtil et profond. À remarquer le rythme donné par la dominance des vers de six pieds intérieurs aux strophes et repérables par les majuscules. La douleur transfigurée par la beauté catartique malgré la fin bémolisante. Tout le meilleur du splendide René Char.