Poème 'Le Crêpe' de Louis-Honoré FRÉCHETTE dans 'Les Oiseaux de neige'

Le Crêpe

Louis-Honoré FRÉCHETTE
Recueil : "Les Oiseaux de neige"

La feuille du printemps que le zéphir effleure
Et qu’un soleil ami dore de ses rayons,
Est loin de se douter que bientôt viendra l’heure
Où l’hiver l’étreindra dans ses froids tourbillons.

De même trop souvent l’âme humaine se leurre,
Sans voir le gouffre au bord duquel nous sommeillons,
Jusqu’à ce qu’éveillé soudain, l’on saigne et pleure
Sous la morsure, hélas ! de cuisants aiguillons.

L’oiseau des jours sereins avait plié son aile
Sur ma tente, où, croyant sa chanson éternelle,
Des autans envieux je narguais la rigueur.

Un jour on est venu mettre un crêpe à ma porte…
Et depuis lors, Seigneur, ce crêpe je le porte
Fixé par une épine au tréfond de mon cœur.

(1902)

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