Le couvercle
En quelque lieu qu’il aille, ou sur mer ou sur terre,
Sous un climat de flamme ou sous un soleil blanc,
Serviteur de Jésus, courtisan de Cythère,
Mendiant ténébreux ou Crésus rutilant,Citadin, campagnard, vagabond, sédentaire,
Que son petit cerveau soit actif ou soit lent,
Partout l’homme subit la terreur du mystère,
Et ne regarde en haut qu’avec un oeil tremblant.En haut, le Ciel ! ce mur de caveau qui l’étouffe,
Plafond illuminé par un opéra bouffe
Où chaque histrion foule un sol ensanglanté ;Terreur du libertin, espoir du fol ermite :
Le Ciel ! couvercle noir de la grande marmite
Où bout l’imperceptible et vaste Humanité.
Poème préféré des membres
Aucun membre n'a ajouté ce poème parmi ses favoris.
Commentaires
Rédiger un commentaire
Charles BAUDELAIRE
Charles Pierre Baudelaire est un poète français, né à Paris le 9 avril 1821 et mort le 31 août 1867 à Paris. Il est l’un des poètes les plus célèbres du XIXe siècle : en incluant la modernité comme motif poétique, il a rompu avec l’esthétique classique ; il est aussi celui qui a popularisé le poème en... [Lire la suite]
Astronautes, jadis, ayant quitté la Terre
Pour aller sur la Lune où le sol paraît blanc,
Auriez-vous découvert là-bas une Cythère,
Un paysage empli de trésors rutilants ?
Fûtes-vous tentés d'être, en ces lieux, sédentaires
Dans la nuit prolongée et le jour un peu lent,
De peupler ce bel astre au séduisant mystère
D'où l'on voit notre monde avec un coeur tremblant ?
Où, si l'on n'y prend garde, assez vite, on étouffe,
Où l'on ne choisit point ce qu'on boit, ce qu'on bouffe,
Où le moindre cratère est un endroit hanté ;
Point ne sont devenus de lunaires ermites,
Mais ils salent parfois la soupe en leur marmite
D'un peu de sel très fin qu'ils en ont rapporté.
Je chemin' sur la terre
en long surpelis blanc,
pélerins pour Cythère
s'en vont plus rutilants
mais semi-sédentaire,
ne cours je qu'à pas lents,
cultivant mon mystère
sous des rameaux tremblants.
Redoutant tout étouffe-
chrétien, jamais ne bouffe
de bête ensanglantée
(même un bernard-l'hermite)
mais bourris ma marmite
avec humanité.