Le clown
Bobèche, adieu ! bonsoir, Paillasse ! arrière, Gille !
Place, bouffons vieillis, au parfait plaisantin,
Place ! très grave, très discret et très hautain,
Voici venir le maître à tous, le clown agile.Plus souple qu’Arlequin et plus brave qu’Achille,
C’est bien lui, dans sa blanche armure de satin ;
Vides et clairs ainsi que des miroirs sans tain,
Ses yeux ne vivent pas dans son masque d’argile.Ils luisent bleus parmi le fard et les onguents,
Cependant que la tête et le buste, élégants,
Se balancent sur l’arc paradoxal des jambes.Puis il sourit. Autour le peuple bête et laid,
La canaille puante et sainte des Iambes,
Acclame l’histrion sinistre qui la hait.
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- Souvenirs de régiment | Pays de poésie
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Paul VERLAINE
Paul Marie Verlaine est un poète français, né à Metz le 30 mars 1844 et mort à Paris le 8 janvier 1896. Paul Verlaine est avant tout le poète des clairs-obscurs. L’emploi de rythmes impairs, d’assonances, de paysages en demi-teintes le confirment, rapprochant même, par exemple, l’univers des Romances sans paroles des plus... [Lire la suite]
Les clowns rient
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J’ai rêvé que j’étais un clown au verbe agile,
Un étonnant rhapsode, un hardi plaisantin,
Affrontant le public dès le petit matin
Sur un large trottoir, dans une grande ville.
Disant n’importe quoi, mais gardant l’air tranquille
De l’artiste accompli, de ses effets certain,
Je faisais des bons mots, j’expliquais du latin,
Je modelais mon verbe ainsi que de l’argile.
Un tel métier, vraiment, n’était point fatigant ;
Costume ridicule, et, quand même, élégant,
Surtout le pantalon flottant autour des jambes.
Ce monde me plaisait. Il n’avait rien de laid ;
Comme un royal jardin, comme un âtre qui flambe,
Ce cosmos foisonnait de magiques reflets.
Saint Achille Paon-Talon
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Le plus noble des paons fut notre Saint Achille,
Surnommé Paon-Talon par quelques plaisantins;
Il priait le Seigneur au soleil du matin
Et méditait souvent dans une église, en ville.
Son meilleur compagnon fut un démon tranquille
Qui buvait avec lui dans le soir incertain ;
Il connaissait beaucoup de blagues en latin
Et savait fabriquer un golem en argile.
Ce démon n’aimait point les travaux fatigants ;
Le saint les fit pour lui, par un geste élégant,
Ce pour quoi le rhapsode en fit le dithyrambe.
Ces deux vaillants héros, que le sort assemblait,
Aimaient rester assis devant l’âtre qui flambe,
Où chacun d’eux voyait de l’autre le reflet.
Griffon bouffon
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Je travestis les Évangiles,
J’y mets des mots de plaisantin ;
Dans ma prière du matin
Sont évoquées des choses viles.
J’imite le ton de Virgile
Dans un ignoble baratin ;
Ça reste d’assez bon latin,
Mais la syntaxe en est fragile.
Je déraisonne en divaguant,
Sans que ce soit inélégant ;
Deux ou trois métaphores flambent.
Le métier d’amuseur me plaît,
C’est plus beau que des ronds de jambe ;
Tu l’apprendrais, si tu voulais.