Le Chasseur noir
Qu’es-tu, passant ? Le bois est sombre,
Les corbeaux volent en grand nombre,
Il va pleuvoir.
- Je suis celui qui va dans l’ombre,
Le Chasseur Noir !Les feuilles des bois, du vent remuées,
Sifflent… on dirait
Qu’un sabbat nocturne emplit de huées
Toute la forêt ;
Dans une clairière au sein des nuées
La lune apparaît.- Chasse le daim, chasse la biche,
Cours dans les bois, cours dans la friche,
Voici le soir.
Chasse le czar, chasse l’Autriche,
Ô Chasseur Noir !Les feuilles des bois -
Souffle en ton cor, boucle ta guêtre,
Chasse les cerfs qui viennent paître
Près du manoir.
Chasse le roi, chasse le prêtre,
Ô Chasseur Noir !Les feuilles des bois -
Il tonne, il pleut, c’est le déluge.
Le renard fuit, pas de refuge
Et pas d’espoir !
Chasse l’espion, chasse le juge,
Ô Chasseur Noir !Les feuilles des bois -
Tous les démons de saint-Antoine
Bondissent dans la folle avoine
Sans t’émouvoir ;
Chasse l’abbé, chasse le moine,
Ô Chasseur Noir !Les feuilles des bois -
Chasse les ours ! ta meute jappe.
Que pas un sanglier n’échappe !
Fais ton devoir !
Chasse César, chasse le pape,
Ô Chasseur Noir !Les feuilles des bois -
Le loup de ton sentier s’écarte.
Que ta meute à sa suite parte !
Cours ! fais-le choir !
Chasse le brigand Bonaparte,
Ô Chasseur Noir !Les feuilles des bois, du vent remuées,
Tombent… on dirait
Que le sabbat sombre aux rauques huées
A fui la forêt ;
Le clair chant du coq perce les nuées ;
Ciel ! l’aube apparaît !Tout reprend sa forme première.
Tu redeviens la France altière
Si belle à voir,
L’ange blanc vêtu de lumière,
Ô Chasseur Noir !Les feuilles des bois, du vent remuées,
Tombent… on dirait
Que le sabbat sombre aux rauques huées
A fui la forêt ;
Le clair chant du coq perce les nuées,
Ciel ! l’aube apparaît !
Jersey, 22 octobre 1852
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Victor HUGO
Victor-Marie Hugo, né le 26 février 1802 à Besançon et mort le 22 mai 1885 à Paris, est un écrivain, dramaturge, poète, homme politique, académicien et intellectuel engagé français, considéré comme l’un des plus importants écrivains romantiques de langue française. Fils d’un général d’Empire souvent... [Lire la suite]
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Divinités de l'inframonde
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Trois dieux dans l'inframonde sombre,
Pas plus et pas moins que ce nombre :
Matin et soir
Le premier se tient dans une ombre
Et fait pleuvoir.
Le deuxième arpente la lande
En récitant une légende ;
On peut le voir
Marcher sur sa robe trop grande,
Quel désespoir !
Le troisième est muni de guêtres.
Il mène les lampyres paître
Dans un terroir
Qui à leur faim convient, peut-être,
Comment savoir ?
Que vienne les voir Saint Antoine,
Chacun lui balance une avoine
Sans s'émouvoir ;
Car cet endroit n'accorde aux moines
Aucun pouvoir.
Ils sont trois dieux dans l'inframonde,
Dans cette zone peu féconde ;
Et leur manoir
Est dans une fosse profonde,
N'y va pas choir.
Arche polychrome
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Des Bouddhas, l’arche n’est pas sombre ;
Ils sont trois, car j’aime ce nombre :
Quand vient le soir
Le premier, dissipant les ombres,
Tient un miroir.
Le deuxième observe la lande
D’où sont venues tant de légendes ;
On peut le voir
Rajuster sa robe trop grande,
Comme un peignoir.
Le troisième parle aux ancêtres
Et les aide à fixer leurs guêtres ;
Gens du terroir,
Vous irez consulter, peut-être,
Son grand savoir.