Le bistrot d’Alphonse
C’est au bistrot d’Alphonse, entre onze heures et minuit,
qu’on est venus, trente ans, se tourniquer la gueule
Et se pourrir le foie, un peu toutes les nuits.
La folie va son train, la vache, elle agit seule.
Nul ne l’entend venir mais son oeil est brillant
Et notre cinquantaine à pas de loup s’approche.
L’amour se fait la malle, on n’est plus très vaillant,
À la hauteur, bien sûr, mais c’est pas dans la poche !Alphonse est bien gentil, c’est mon plus vieux copain,
Son cognac est parfait, son pinard impeccable.
Dans son temps, paraît-il, c’était un chaud lapin
Mais… plus personne au lit quand on dort sous la table !
Trente ans de gueul’ de bois, et sans désemparer !
Et lui, le malheureux, qui buvait pour l’exemple…
La cirrhose a fini par tout accaparer.
Quand tu sers ton calva l’as la pogne qui tremble !À voir la gueul’ qu’on a, on se prend à rêver,
On se découvre enfin des idées générales.
Il est bien évident qu’on va bientôt crever,
Alphonse, le premier, pour sauver la morale.
Alphonse ! La fortune ell’ mûrit pas tout’ seule,
Il faut la provoquer, y mettre tout son coeur.
Nous, c’est pour t’enrichir qu’on s’est saoulé la gueule
Et quand tu s’ras crevé, on ira boire ailleurs !
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Bernard DIMEY
Bernard Dimey, né Bernard Georges Lucide Dimey le 16 juillet 1931 à Nogent-en-Bassigny (aujourd’hui Nogent) (Haute-Marne) et mort le 1er juillet 1981 à Paris, est un poète, auteur de chansons et dialoguiste français. Il commence à faire de la radio, puis écrit dans la revue Esprit. Il s’intéresse à la peinture (il a... [Lire la suite]
Deux coqs dans la buvette
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Deux fins buveurs sont là, ni jeunes, ni très vieux,
Ils n’ont pas trop la forme, ils ont un peu de ventre ;
Ils arrivent ici dès qu’ils quittent leurs antres,
C’est devenu banal de les voir en ces lieux.
Sachant se contenter de ce qu’on fait de mieux,
Pour déguster leur vin, leur âme se concentre ;
Ils donnent de la voix, mais sont de mauvais chantres,
Ils ne sauraient charmer les hommes ni les dieux.
Ici c’est leur refuge, et c’est leur camp de base ;
De notre dieu Bacchus ils sont deux hypostases,
C’est une identité qu’ils aiment endosser.
Souvent à la serveuse ils apportent des roses,
Qui pour blaguer leur dit « Ça rime avec cirrhose »,
Leur fait un grand sourire, et retourne bosser.